Le Magasin 4, Bruxelles : Histoire D’un Bastion Underground (1993 → Aujourd’hui)

Déménagements, crises et renaissance d’un lieu emblématique de Bruxelles

Né dans les marges punk/rock bruxelloises au milieu des années 1990, Magasin 4 a traversé faillites, expulsions et gentrification du canal tout en devenant une institution de la culture alternative. Son ancrage à Tour & Taxis (rue de l’Entrepôt 7) en 2025 clôt trois décennies d’itinérance et consacre un modèle singulier : une salle indépendante, bénévole et pointue dédiée aux musiques loud/expérimentales.


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Introduction

Bruxelles a longtemps joué avec ses marges : friches industrielles, rives du canal, entrepôts désertés. C’est dans ces interstices que, dès 1993-1994, un noyau de musiciens, programmateurs et bénévoles invente un lieu « fait main » pour des musiques trop bruyantes, trop radicales, trop minoritaires pour les circuits dominants. Le Magasin 4 n’est pas seulement une salle : c’est une infrastructure de scène au sens fort — un outil collectif de production, d’accueil et de transmission de cultures punk, hardcore, metal, noise, indus, expérimental — où les règles d’hospitalité (prix accessibles, respect des artistes, public mélangé, horaires cadrés, attention au voisinage) font partie de l’esthétique.

Son histoire épouse trois mouvements de la ville :

  1. l’appropriation agile de bâtiments bon marché (années 1990) ;
  2. l’incertitude foncière sous pression de la reconversion du canal (années 2000–2010) ;
  3. la stabilisation dans un équipement public sur-mesure (années 2020), sans renoncer à l’éthique DIY.
    Ce chapitre introductif donne le cadre : ce qui suit détaille les adresses, les crises, la ligne artistique et ce que Magasin 4 révèle des politiques urbaines et culturelles bruxelloises.

1) Avant Magasin 4 : le creuset punk et l’expérience « Bulten » (1993–1994)

Au début des années 1990, la scène punk/alternative bruxelloise manque de lieux. Autour du guitariste Éric Lemaître (groupe Contingent), un premier espace autogéré, Bulten, ouvre en 1993 dans un entrepôt du canal. L’aventure, fragile, ne dure qu’un an mais sert de rampe de lancement au collectif qui ouvrira le Magasin 4 quelques mois plus tard.

2) « 4, rue du Magasin » (1994–2008) : naissance, identité, consolidation

  • Ouverture : décembre 1994 au n° 4, rue du Magasin (Pentagone). Le lieu donne son nom à la salle.
  • Ligne DIY : programmation mêlant punk, hardcore, noise, indus, expérimentations et échappées jazz/psyché.
  • Contexte urbain : l’époque profite des friches post-industrielles du canal ; le premier site sera par la suite converti en logements dans un mouvement de reconversion/gentrification.

3) Avenue du Port (2009–2022) : la grande halle et la montée en puissance

  • Relogement en octobre 2009 au 51B avenue du Port (face à Tour & Taxis), capacité ≈ 500.
  • Saut d’échelle : accueil accru d’artistes internationaux, prix d’entrée démocratiques, ethos 100 % bénévole.
  • Tensions urbanistiques : le bâtiment, inclus dans des projets publics de réaménagement (Citroën–Vergote, Tour & Taxis), est promis à la démolition ; 2017–2018 voit une large mobilisation pour sauver le lieu.

4) Le provisoire à Petite-Île (2022–2024) : tenir la flamme

En attendant le chantier d’une nouvelle salle, le Magasin 4 programme dans un site transitoire à Petite-Île (Anderlecht) — solution « de survie » révélatrice des frictions entre politiques immobilières et besoins des scènes indépendantes.

5) Le « nouveau » Magasin 4 (Tour & Taxis) : un projet d’architecture pour l’underground (2021–2025)

  • Conception : projet par le bureau Muoto (avec Central/partners) ; une halle post-industrielle de ≈ 749 m², pensée comme mécano modulaire (assemblable, évolutif), acoustique soignée (Kahle Acoustics), capacité ≈ 500.
  • Calendrier & ouverture : réouverture au public le 19 septembre 2025, rue de l’Entrepôt 7 (Laeken / Tour & Taxis), annoncée par la Ville de Bruxelles et la presse spécialisée.
  • Positionnement : un club underground assumé au cœur d’un quartier emblématique de la reconversion du canal (Gare Maritime, KANAL, etc.).

6) Programmation, ligne artistique et écosystème

  • Esthétique : rock « LOUD » au sens large — punk, metal, noise, hardcore, indus, psyché, expérimental.
  • Indépendance & bénévolat : fonctionnement bénévole depuis l’origine, noyau d’administration/programmation, identité 100 % alternative.
  • Réseaux & reconnaissance : intégration aux réseaux Club Plasma / Court-Circuit (musiques actuelles), soutiens publics ponctuels dans le cadre de la rénovation urbaine, avec maintien d’une liberté de programmation.

7) Crises, mobilisations, continuités (2017–2025)

  • Alerte 2017–2018 : annonces de fermeture/démolition du site de l’avenue du Port ; mobilisation de la communauté et relais médiatiques.
  • Itinérance contrôlée : période Petite-Île comme sas avant l’inauguration de la salle définitive.
  • Grand retour : ouverture du 19/09/2025 — marqueur d’une institutionnalisation sans reniement (tarifs, line-up d’ouverture, archives en ligne).

8) Le Magasin 4 et la « ville-canal » : du no-future à la politique urbaine

La trajectoire du Magasin 4 condense l’histoire culturelle du canal bruxellois :

  • Années 1990 : après la désindustrialisation, les friches accueillent des initiatives artistiques non conventionnelles.
  • Années 2000–2010 : reconversions accélérées, gentrification, évictions/relocations, conflits d’usages.
  • Années 2020 : compromis urbain — un équipement public taillé pour une scène indépendante… dans un quartier régénéré où la programmation culturelle participe à la fabrique de la ville.

9) Héritages, figures et « esprit des lieux »

  • Figures : mémoire d’Éric Lemaître (Contingent), programmation portée par des personnalités comme Benoît Hageman, et une communauté de bénévoles.
  • Scènes passées par là : en trois décennies, des centaines de groupes punk/metal/noise/expé locaux et internationaux ont bâti une archive vivante (agenda/archives).

Conclusion

Le Magasin 4 illustre une équation rarement résolue : rester underground en devenant durable. Portée par des bénévoles et des publics fidèles, la salle a prouvé qu’un modèle d’hospitalité musicale — tarifs bas, prise de risque artistique, respect des artistes — pouvait survivre à l’instabilité foncière et aux cycles de la ville. L’ancrage 2025 à Tour & Taxis n’est pas une « normalisation » mais la reconnaissance d’une utilité culturelle : offrir un espace pérenne à des esthétiques bruyantes, minoritaires, expérimentales.

Trois défis se dessinent pour la suite :

  1. Préserver l’indépendance (programmation, gouvernance) tout en assumant un cadre public plus stable.
  2. Renouveler les publics (mixité générationnelle et sociale) sans lisser la radicalité sonore qui fait l’ADN du lieu.
  3. Documenter et transmettre : archives, captations, médiations qui rendent visible l’apport de ces scènes à la culture bruxelloise.

Si le Magasin 4 est devenu une institution, c’est parce qu’il n’a jamais cessé d’être un atelier : un lieu où l’on fabrique des concerts, des communautés et des possibles. Longue vie au bruit.


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