Pression Sociale Sur Les Chômeurs Et Malades De Longue Durée en Belgique
Analyse des discours politiques et médiatiques, des réformes en cours et des enjeux autour de la pression sociale exercée sur les chômeurs et malades de longue durée en Belgique

La Belgique traverse un débat vif autour du chômage de longue durée et des malades incapables de travailler. Entre volonté d’émancipation par le travail et politiques de responsabilisation, les discours politiques et médiatiques oscillent entre soutien et stigmatisation.
1. Deux narrations médiatiques opposées
Narration empathique : reportages sur la souffrance des chômeurs et malades longue durée.
- 70 % se disent frustrés de ne pas travailler (enquête Solidaris, avril 2025).
- 80 % souhaitent réorganiser le travail pour préserver la santé.
- 68 % demandent de responsabiliser les employeurs en les associant au coût de la maladie.
Narration punitive : mise en avant des « abus ».
- Sanctions renforcées pour refus de réintégration.
- Déclarations de Maggie De Block dès 2016, poursuivies par la coalition « Arizona ».
- Exemples : coupes d’allocations (de 2,5 % à 10 %), contrôles médicaux accrus, contribution financière des employeurs.
2. Réformes récentes et coalition « Arizona » (2025)
Chômage :
- Allocation de départ : 65 % du salaire brut, puis dégressivité jusqu’à 40 %.
- Réforme 2025 : limitation des droits à 2 ans → exclusion prévue de 180.000 personnes d’ici 2026.
- Conséquence : basculement massif vers les CPAS (+20 à 30.000 dossiers rien qu’en Wallonie).
Maladies de longue durée :
- Après 2 mois, ~60 % du salaire assuré par la mutuelle.
- Nouvelles obligations : questionnaires, contrôles médicaux (3/an), sanctions financières (10 % de l’allocation).
- Employeurs (>50 salariés) doivent payer 30 % de l’indemnité dès le 2ᵉ mois d’arrêt.
- Mutualités financées en partie sur base de leur performance en matière de réinsertion.
3. Rôle des acteurs institutionnels
- ONEM : allocations de chômage, exclusions définitives, coordination avec les CPAS.
- Organismes régionaux (Forem, Actiris, VDAB, ADG) : suivi des demandeurs d’emploi, sanctions, plans de reconversion.
- Mutualités : gestion des indemnités, contrôles, réinsertion.
- CPAS : dernier filet de sécurité via le Revenu d’Intégration Sociale (RIS), mais sous fortes contraintes administratives et budgétaires.
- Maisons de l’emploi et missions locales : accompagnement de proximité, ateliers et coordination.
4. Réactions et clivages politiques
- À gauche (PTB, syndicats) : dénonciation d’une « chasse aux malades et chômeurs », défense du modèle de sécurité sociale.
- Au centre-gauche (PS) : ton plus consensuel, équilibre entre droit au travail et protection sociale.
- À droite (MR, N-VA, Open VLD, CD&V) : insistance sur la « responsabilisation », critique de la « culture de l’assistanat ».
- Débat public : grèves, manifestations, divisions sur la responsabilité individuelle vs. causes structurelles (conditions de travail, pénurie d’emplois, flexibilité).
5. Enjeux sociétaux
Ces politiques de contrôle et de sanction posent des dilemmes majeurs :
- Soutenabilité financière du système de sécurité sociale.
- Dignité et protection des plus vulnérables.
- Risque de stigmatisation accrue.
- Nécessité d’un débat de fond sur l’organisation du travail et la prévention des maladies professionnelles.
Conclusion
La Belgique est à un tournant : entre responsabilisation et solidarité, les choix politiques actuels redessinent l’équilibre de son système de protection sociale. Reste à savoir si ces réformes permettront une réinsertion durable ou si elles accentueront l’exclusion sociale.