Panorama De La Géopolitique Mondiale : De 1945 À 2025

Évolution depuis la guerre froide, les grandes puissances contemporaines, les organisations internationales clés et les zones de tension majeures

Contenus

Introduction

L’année 2025 marque un tournant historique dans l’organisation géopolitique mondiale. Pour la première fois depuis la fin de la Guerre froide, l’ordre international unipolaire dominé par les États-Unis s’effrite au profit d’un système multipolaire complexe et instable. Pour comprendre cette transformation profonde, il est essentiel de retracer les grandes étapes qui ont façonné le monde contemporain depuis 1945, et d’analyser les forces qui redessinent aujourd’hui la carte géopolitique.


PARTIE I - Repères chronologiques : L’évolution du monde depuis 1945

1945-1991 : La guerre froide et le monde bipolaire

1945-1947 : Naissance du monde bipolaire

La fin de la Seconde Guerre mondiale voit l’Europe exsangue tandis que les États-Unis et l’URSS émergent comme superpuissances victorieuses. Très vite, leurs relations se tendent : le monde se divise en deux blocs idéologiques antagonistes (Ouest capitaliste vs Est communiste), séparés en Europe par le “rideau de fer”. La guerre froide (1947-1991) est un conflit global indirect entre ces deux blocs, marqué par des crises majeures : le blocus de Berlin (1948-49), la guerre de Corée (1950-53), et la crise des missiles de Cuba (1962).

La dissuasion nucléaire

Aucun affrontement direct n’oppose les États-Unis et l’URSS, en raison de l’équilibre de la terreur nucléaire - la certitude qu’une attaque atomique entraînerait la destruction mutuelle assurée. Cette dissuasion nucléaire désigne la stratégie consistant à empêcher un adversaire d’attaquer en brandissant la menace de représailles nucléaires massives. Ce principe d’équilibre de la terreur a paradoxalement contribué à maintenir la paix entre les superpuissances, tout en alimentant une course aux armements (bombes H, missiles balistiques intercontinentaux) sans précédent. Dans ce contexte, les deux camps soutiennent des guerres périphériques (Vietnam, Afghanistan) sans jamais s’affronter directement.

1945-1962 : La décolonisation et l’émergence du Tiers-Monde

L’après-1945 voit le démantèlement accéléré des empires coloniaux européens. Entre 1947 et 1962, des dizaines de pays en Asie, au Moyen-Orient et en Afrique obtiennent leur indépendance, parfois au terme de luttes sanglantes (guerres d’Indochine 1946-54, d’Algérie 1954-62). Deux phases se distinguent : d’abord l’Asie et le Proche-Orient à la fin des années 1940 (indépendances de l’Inde et du Pakistan en 1947, Indonésie en 1949), puis l’Afrique dans les années 1950-60 (Maroc et Tunisie en 1956, 17 colonies africaines en 1960, Algérie en 1962).

Ces nouveaux États du “Tiers-Monde” cherchent souvent à échapper à la tutelle des blocs. Lors de la conférence de Bandung de 1955, 29 pays afro-asiatiques proclament leur volonté de non-alignement sur Washington ou Moscou. Le Mouvement des non-alignés (formalisé en 1961) incarne cette troisième voie entre Est et Ouest, tandis que les enjeux de développement et de néocolonialisme deviennent centraux sur la scène internationale.

1989-1991 : La fin de la guerre froide

La seconde moitié des années 1980 voit l’affaiblissement du bloc soviétique sous l’effet des réformes de Mikhaïl Gorbatchev (glasnost et perestroïka) et des aspirations à la liberté en Europe de l’Est. En 1989, le rideau de fer tombe : les régimes communistes s’effondrent les uns après les autres, symbolisés par la chute du mur de Berlin le 9 novembre 1989. En décembre 1991, l’URSS elle-même se disloque.

C’est la fin du monde bipolaire qui dominait les relations internationales depuis 1945. Les États-Unis se retrouvent alors seule superpuissance mondiale – Hubert Védrine parlera d’“hyperpuissance” américaine. Washington prône l’avènement d’un “nouvel ordre mondial” fondé sur le multilatéralisme, la démocratie libérale et la mondialisation économique. En 1991, la guerre du Golfe (coalition menée par les États-Unis contre l’Irak de Saddam Hussein) illustre ce rôle de “gendarme du monde” assumé par les Américains dans l’après-guerre froide.

Années 1990 : L’illusion unipolaire

Durant la décennie 90, les États-Unis dominent largement la scène mondiale, encadrant les processus de paix (Accords d’Oslo israélo-palestiniens en 1993, Dayton en ex-Yougoslavie 1995) et intervenant militairement sous mandat international (Somalie 1992-93, Bosnie 1995, Kosovo 1999). L’ONU, libérée du blocage des veto Est-Ouest, retrouve temporairement un rôle central. De nouvelles organisations accompagnent la mondialisation triomphante : l’Organisation mondiale du commerce (OMC) est créée en 1995, tandis que l’Union européenne naît avec le traité de Maastricht de 1992.

Cependant, l’optimisme est de courte durée. Si la fin de la guerre froide avait fait naître l’espoir d’une ère de paix, le monde connaît au contraire un enchaînement de conflits locaux violents : guerres civiles en ex-Yougoslavie (1991-2001), génocide des Tutsi au Rwanda (1994), guerre du Congo (1998). La décennie 90 se conclut avec une mondialisation économique accélérée mais aussi un “désordre mondial” grandissant, alimenté par l’apparition de nouveaux acteurs étatiques et non-étatiques qui génèrent de nombreux conflits.

Années 2000 : Le terrorisme et le retour des rivalités

Le 11 septembre 2001, les attentats d’Al-Qaïda contre New York et Washington provoquent un choc mondial. Les États-Unis réagissent en déclarant une “guerre mondiale contre le terrorisme”. Ils interviennent d’abord en Afghanistan en 2001 pour renverser le régime des talibans qui hébergeait Al-Qaïda, puis lancent en 2003 une invasion de l’Irak de Saddam Hussein (sans l’aval de l’ONU), invoquant la menace d’armes de destruction massive.

Ces interventions divisent la communauté internationale et s’enlisent : malgré la chute rapide des régimes en place, ni l’Afghanistan ni l’Irak ne parviennent à se stabiliser en démocraties prospères. Parallèlement, la deuxième Intifada embrase le Proche-Orient (2000-2005) et de nouvelles organisations terroristes surgissent (Daech en Irak/Syrie à partir de 2014). En 2008, une grave crise financière partie des États-Unis ébranle l’économie mondialisée, marquant la fin de l’illusion d’une prospérité sans fin. Ces chocs successifs mettent en lumière la fragilité de l’ordre international et la remise en cause de l’hyperpuissance américaine.

Années 2010-2020 : Vers un monde multipolaire

Au cours de cette décennie, l’équilibre des forces mondiales se recompose. La Chine, devenue en 2010 la 2e économie mondiale en détrônant le Japon, s’affirme comme rival stratégique des États-Unis. La Russie, revigorée par Vladimir Poutine, adopte une posture agressive à sa périphérie : annexion de la Crimée en 2014, intervention en Syrie en 2015 aux côtés du régime Assad, puis invasion de grande ampleur contre l’Ukraine en 2022.

D’autres puissances régionales gagnent en importance, comme l’Inde (démocratie géante à la croissance rapide) ou la Turquie. Le monde d’aujourd’hui n’est donc plus dominé par un seul “gendarme” : il est multiforme et multipolaire, traversé par des rivalités renouvelées entre grandes puissances (États-Unis/Chine, Occident/Russie, Inde/Chine) et des conflits locaux aux répercussions globales. Les défis globaux – terrorisme, prolifération nucléaire (Corée du Nord, Iran), pandémies, changement climatique – compliquent encore la donne géopolitique.

La multipolarité

On qualifie de monde multipolaire un système international dans lequel plusieurs pôles de puissance coexistent et se partagent les zones d’influence. Cela s’oppose à un monde bipolaire (deux superpuissances rivales, comme durant la guerre froide) ou unipolaire (une seule hyperpuissance dominante, comme les États-Unis dans les années 1990). Au début du XXIe siècle, la montée en puissance de nouvelles grandes nations (Chine, Inde, Russie) aux côtés des puissances occidentales a fait émerger un ordre plus complexe, “en voie de multipolarisation”. Concrètement, aucun État n’exerce plus une hégémonie incontestée : les rapports de force sont diffusés entre plusieurs acteurs majeurs. Cette multipolarité accrue s’accompagne aussi de frictions, car chaque pôle cherche à défendre ses intérêts et sa vision du monde, rendant la gouvernance globale plus difficile et fragmentée.


PARTIE II - Les grandes puissances contemporaines

États-Unis : De l’hyperpuissance au défi du déclin relatif

Les États-Unis, vainqueurs de 1945 et de la guerre froide, ont longtemps détenu un leadership incontesté. Dans les années 1990, ils apparaissent comme la seule superpuissance globale, alliant puissance économique, militaire et culturelle sans rival. Washington promeut alors un nouvel ordre mondial américano-centrique, n’hésitant pas à intervenir militairement (“gendarme du monde”) et à diffuser le modèle démocratique libéral.

Cependant, ce statut d’hyperpuissance a été progressivement remis en question. Au début du XXIe siècle, les guerres interminables en Afghanistan et en Irak épuisent le prestige américain, tandis que la crise financière de 2008 ternit son aura économique. Surtout, la montée en puissance de concurrents (Chine en économie, Russie sur le plan militaire) vient limiter l’hégémonie américaine.

Trente ans après la fin de l’URSS, l’Amérique reste la première puissance militaire (budget de défense inégalé, réseau d’alliances planétaire via l’OTAN, bases sur tous les continents) et l’une des premières économies mondiales. Elle conserve un soft power considérable grâce à sa culture populaire et ses technologies. Néanmoins, elle fait face à de nouveaux défis : rivalité stratégique avec la Chine en Asie-Pacifique, ambitions nucléaires d’États voyous (Corée du Nord, Iran), montée du populisme et de l’isolationnisme en interne (doctrine “America First”). Les États-Unis demeurent un acteur incontournable, mais ils doivent désormais composer avec un partage du pouvoir mondial plus diffus qu’auparavant.

Soft power et hard power

Popularisé en 1990 par le politologue Joseph Nye, le concept de soft power (ou “puissance douce”) désigne la capacité d’un acteur à influencer les autres par des moyens non coercitifs, en exerçant un attrait ou une persuasion plutôt que par la force. Cela passe par la diffusion de sa culture, de ses valeurs, de son modèle de société, ou par son rayonnement scientifique et technologique. À l’inverse, le hard power renvoie à la puissance coercitive traditionnelle : le pouvoir militaire et économique permettant d’imposer sa volonté par la force ou la sanction. Les grandes puissances modernes combinent généralement les deux : par exemple, les États-Unis disposent d’une armée dominante (hard power) mais aussi d’un soft power global via Hollywood, Internet, leurs universités et multinationales.

Chine : L’ascension d’un géant asiatique

La Chine est le principal challenger de la puissance américaine au XXIe siècle. Longtemps affaiblie au sortir de la guerre froide, la République populaire a entamé une croissance économique fulgurante à la suite des réformes d’ouverture de Deng Xiaoping (dès 1978). En 2010, la Chine est devenue la 2e économie mondiale en PIB nominal, délogeant le Japon de la place qu’il occupait depuis des décennies. Ce pays de 1,4 milliard d’habitants est aujourd’hui l’atelier industriel du monde, le premier exportateur de la planète et le principal créancier des États-Unis.

Forte de cette puissance retrouvée, Pékin affirme une influence tous azimuts : diplomatique (multiplication des sommets internationaux, rôle central dans les BRICS et l’Organisation de coopération de Shanghai), économique (gigantesque projet des Nouvelles Routes de la Soie lancé en 2013, investissements massifs en Afrique, en Asie et en Europe) et militaire (modernisation rapide de l’armée populaire de libération, militarisation de la mer de Chine méridionale).

En 2025, la Chine dispose désormais de 600 ogives nucléaires opérationnelles et d’un budget militaire de 314 milliards de dollars. La rivalité sino-américaine atteint une intensité inédite, avec des tarifs douaniers ayant culminé à 145% sur les produits chinois avant de redescendre à 30% après négociations. Cette guerre commerciale illustre le “piège de Thucydide” théorisé par Graham Allison, où une puissance émergente défie l’hégémonie établie.

Taiwan cristallise les tensions les plus dangereuses. Les experts considèrent la période 2024-2028 comme la plus risquée pour un conflit armé, les incursions chinoises franchissant la ligne médiane du détroit ayant explosé : 248 fois en janvier 2025 contre 72 un an plus tôt. La rivalité dépasse le cadre militaire pour englober la technologie, avec des restrictions américaines sur les semi-conducteurs qui limitent la production chinoise de puces d’intelligence artificielle.

Toutefois, de nombreux obstacles demeurent : ralentissement économique, vieillissement démographique (la Chine perdra 200 millions d’habitants entre 2024 et 2054), tensions commerciales, méfiance de ses voisins. L’objectif affiché du président Xi Jinping est de faire de la Chine une superpuissance de rang mondial d’ici 2049 (centenaire du régime communiste), capable de rivaliser stratégiquement avec Washington.

Russie : Le retour d’une puissance révisionniste

Succédant à l’URSS en 1991, la Fédération de Russie a traversé une période de chaos économique et politique dans les années 1990. Sous Vladimir Poutine (au pouvoir depuis 2000), la Russie a cependant retrouvé un certain rang sur la scène internationale. Profitant de la manne des hydrocarbures et d’une reprise en main autoritaire en interne, Moscou s’est employé à reconstituer sa puissance.

Sur le plan militaire, elle reste l’héritière d’un énorme arsenal nucléaire (parité stratégique avec les États-Unis) et conserve une armée capable de projections régionales, comme l’ont montré l’intervention en Géorgie (2008), l’annexion de la Crimée et la guerre dans le Donbass (2014), puis l’invasion massive de l’Ukraine début 2022.

L’invasion de l’Ukraine le 24 février 2022 a définitivement rompu l’illusion d’un partenariat russo-occidental. Trois ans plus tard, la Russie contrôle 20% du territoire ukrainien et a tissé un axe autoritaire avec la Chine, l’Iran et la Corée du Nord. Cette alliance se matérialise concrètement : 10 000 soldats nord-coréens combattent aux côtés des forces russes, tandis que l’Iran fournit des drones. La guerre a causé plus de 46 000 morts ukrainiens et près d’un million de victimes russes, avec 9,5 millions de déplacés ukrainiens (22% de la population d’avant-guerre).

La Russie utilise aussi son pouvoir énergétique (gaz, pétrole) comme levier d’influence, notamment vis-à-vis de l’Europe. Elle prône un monde multipolaire où l’Occident ne dicterait plus seul les règles, et s’est rapprochée de partenaires comme la Chine, l’Iran ou le Venezuela pour contrer l’influence américaine.

Néanmoins, la puissance russe reste fragile : son économie, trop dépendante des matières premières, stagne (la Russie ne représente qu’environ 3% du PIB mondial) ; sa population diminue et vieillit ; le régime autoritaire fait face à une corruption endémique. L’offensive contre l’Ukraine a toutefois mis en lumière les limites de l’appareil militaire russe et renforcé la cohésion de l’OTAN. L’impact économique des sanctions occidentales, bien que réel, n’a pas isolé complètement Moscou grâce au soutien du “Global South” - l’Inde et la Chine achètent le pétrole russe à prix réduit, générant des revenus cruciaux pour l’effort de guerre.

Union européenne : Un géant économique en quête de puissance politique

L’Union européenne (UE) n’est pas un État, mais une union politico-économique régionale unique en son genre, rassemblant aujourd’hui 27 pays du continent européen. Issue d’un processus graduel d’intégration entamé après 1945 (traités de Rome en 1957, Acte unique 1986, Maastricht 1992), l’UE s’est construite d’abord pour assurer la paix et la prospérité entre anciens ennemis européens.

Sur le plan économique, l’Union constitue un poids lourd mondial : avec 450 millions d’habitants et un PIB cumulé d’environ 18 000 milliards de dollars, elle représente la deuxième puissance économique de la planète en PIB nominal, derrière les États-Unis. L’UE est le premier bloc commercial du monde (environ 15% du commerce global de marchandises) et dispose d’une monnaie commune forte, l’euro, adopté par 20 États. Elle exerce aussi une influence normative considérable en fixant des standards (réglementations sur les données, l’environnement) souvent repris à l’échelle globale.

Toutefois, l’Union européenne peine à traduire son poids économique en véritable puissance géopolitique. Elle reste divisée en matière de politique étrangère : les 27 membres ont des intérêts parfois divergents, et les décisions en la matière requièrent l’unanimité, ce qui limite la réactivité. Militairement, l’UE ne dispose pas d’une armée commune digne de ce nom et s’appuie largement sur l’OTAN (et donc sur les États-Unis) pour sa sécurité. Certains parlent d’un “géant économique et nain politique” pour décrire ce déséquilibre.

En 2025, l’Europe navigue entre atlantisme traditionnel et aspirations à l’autonomie stratégique. Le retour de Trump à la Maison Blanche catalyse ces réflexions, l’Europe réalisant sa vulnérabilité énergétique (prix énergétiques 2,5 fois plus élevés qu’aux États-Unis en 2024) et technologique (92% des données européennes stockées dans des clouds américains). L’autonomie stratégique européenne reste cependant entravée par des divisions internes : la France pousse cet agenda, l’Allemagne reste prudente, tandis que les pays d’Europe de l’Est privilégient le parapluie américain face à la menace russe.

L’UE tente de développer sa propre voie technologique avec le Digital Decade 2030 (288,6 milliards d’euros) et l’AI Act, mais reste dépendante. Des progrès ont été réalisés récemment pour renforcer l’Europe de la défense et la coordination diplomatique, surtout face à des crises comme le Brexit ou la guerre en Ukraine. L’Europe, située au cœur de ces contradictions, incarne les défis de la transition vers un monde multipolaire : maintenir son influence tout en s’adaptant à un monde post-hégémonique, développer son autonomie stratégique sans rompre ses alliances traditionnelles.

Inde : Le géant démographique émergent

Deuxième nation la plus peuplée du globe (elle a dépassé la Chine en 2023 avec plus de 1,4 milliard d’habitants), l’Inde s’impose progressivement comme une puissance de premier plan. Sur le plan économique, l’Inde a connu ces dernières années l’une des croissances les plus rapides du G20, autour de 7% par an. Elle s’est hissée au rang de 5e puissance économique mondiale en PIB nominal (devant la France et le Royaume-Uni). Ce dynamisme s’accompagne d’une modernisation sectorielle : le pays excelle notamment dans les services informatiques, les télécommunications, l’industrie pharmaceutique et l’aérospatial.

L’Inde dispose de l’arme nucléaire et d’une armée nombreuse, ce qui lui confère un statut stratégique en Asie (face au Pakistan et à la Chine, ses deux voisins concurrents). Sur la scène diplomatique, New Delhi revendique une voix autonome : héritière du non-alignement, l’Inde participe aux BRICS et milite pour une réforme du Conseil de sécurité de l’ONU (elle aspire à y obtenir un siège permanent). Le pays a présidé le G20 en 2023, affichant son ambition de représenter les intérêts des économies émergentes.

L’Inde incarne la montée en puissance du “Global South”, ce club des pays en développement qui refuse de choisir entre Washington et Pékin. Leader autoproclamé de ce mouvement, New Delhi participe simultanément aux BRICS (avec la Chine et la Russie) et au Quad (avec les États-Unis). Cette stratégie d’équilibrisme reflète une révolution géopolitique : le retour du non-alignement adapté au XXIe siècle.

Toutefois, malgré ces atouts, l’Inde demeure confrontée à d’immenses défis de développement. C’est encore un “colosse aux pieds d’argile”, avec un revenu par habitant relativement faible et de profondes inégalités socio-économiques. Une grande partie de sa population reste rurale et pauvre, et les infrastructures sont insuffisantes. Par ailleurs, l’Inde fait face à des tensions internes (conflits religieux, frictions au Cachemire) et doit gérer la rivalité avec la Chine qui l’encercle en Asie du Sud. Néanmoins, grâce à sa population jeune et à son régime démocratique stable, l’Inde possède un potentiel géopolitique considérable au XXIe siècle.


PARTIE III - Les organisations internationales structurantes

L’Organisation des Nations unies (ONU)

Fondée en juin 1945 à San Francisco sur les ruines de la Société des Nations, l’ONU a pour vocation principale de maintenir la paix et la sécurité internationales. Sa Charte promeut également les droits de l’homme, le progrès social et la coopération économique. L’ONU compte aujourd’hui 193 États membres, presque l’universalité des nations.

Son organe exécutif, le Conseil de sécurité, dispose du pouvoir d’autoriser des interventions ou sanctions contraignantes, mais ses cinq membres permanents (États-Unis, Russie, Chine, France, Royaume-Uni) détiennent un droit de veto qui a souvent paralysé l’action onusienne, notamment durant la guerre froide. Ainsi, de 1945 à 1990, les vetos soviétiques ou américains ont fréquemment empêché l’ONU de résoudre des crises majeures.

Depuis les années 1990, l’ONU a pu déployer de nombreuses opérations de maintien de la paix (casques bleus au Cambodge, en ex-Yougoslavie, en Afrique subsaharienne), avec des succès mitigés. L’ONU reste un forum diplomatique essentiel (Assemblée générale annuelle, Cour internationale de Justice, agences spécialisées comme l’OMS ou l’UNESCO) et le symbole d’un idéal de gouvernance mondiale, même si son efficacité dépend du consensus des grandes puissances.

L’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN)

Créée en 1949 par le traité de Washington, l’OTAN est une alliance politico-militaire qui regroupe initialement les États-Unis, le Canada et une douzaine de pays d’Europe de l’Ouest, unis par un principe de défense collective (article 5 : une attaque contre l’un est une attaque contre tous). À l’origine, l’Alliance atlantique visait explicitement à protéger l’Europe occidentale d’une menace d’invasion soviétique, sous le parapluie nucléaire américain.

Après la fin de la guerre froide, loin de disparaître, l’OTAN s’est élargie vers l’Est : de 16 membres en 1990, elle est passée à 32 membres en 2024, intégrant la plupart des anciens pays du bloc de l’Est (Pologne, pays baltes, Roumanie) ainsi que des Balkans. L’OTAN a également redéfini ses missions : elle est intervenue militairement hors de sa zone initiale (en Afghanistan de 2003 à 2014, en Libye en 2011).

En 2025, l’Alliance atlantique connaît sa plus profonde transformation depuis sa création. Avec l’adhésion récente de la Finlande et de la Suède, historiquement non-alignées, elle couvre désormais l’ensemble du nord de l’Europe. Plus révolutionnaire encore, l’objectif de dépenses militaires passe à 5% du PIB d’ici 2035 (dont 3,5% pour la défense stricte), marquant une militarisation sans précédent.

Le budget total de l’OTAN atteint 1 506 milliards de dollars en 2025, représentant 55% des dépenses militaires mondiales. Les exercices Steadfast Defender 2024 (90 000 soldats) et Iron Defender 2025 (30 000 soldats en Pologne) démontrent cette montée en puissance face à la Russie, qui augmente ses forces de 350 000 soldats d’ici 2026.

L’OTAN demeure le pilier de la défense du continent européen face à la Russie, comme l’a souligné la guerre en Ukraine. L’OTAN est perçue par Moscou comme une menace directe, du fait de son expansion jusqu’aux frontières russes. Pour les Occidentaux, elle se veut au contraire une “communauté de valeurs” (démocratie, état de droit) promouvant stabilité et sécurité en Europe. L’OTAN reste inégalée en tant qu’alliance militaire mondiale.

Les BRICS et BRICS+

Cet acronyme désigne un groupe informel de grandes économies émergentes – Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud – qui se concertent lors de sommets annuels depuis la fin des années 2000. Les BRICS représentent environ 48% de la population mondiale et plus du tiers du PIB mondial (en PPA), ce qui en fait un bloc au poids non négligeable.

Leur coopération vise à bâtir un ordre international plus inclusif et multipolaire, reflétant le poids accru du “Sud” global et réduisant la domination des puissances occidentales. Concrètement, les BRICS ont créé des instruments comme la Nouvelle Banque de Développement (banque multilatérale alternative à la Banque mondiale) et un fonds de réserve commun, et plaident pour une réforme des instances de gouvernance économique (FMI).

Les BRICS+, élargis en 2024 à l’Arabie saoudite, l’Iran, l’Éthiopie, l’Égypte et les Émirats arabes unis, représentent désormais 30% du PIB mondial, égalant le G7. En 2025, avec l’ajout de l’Indonésie (janvier 2025), ils comptent 11 membres représentant 42% de la population mondiale et 36% du PIB. La Banque de développement des BRICS a approuvé 32 milliards de dollars pour 96 projets, tandis que se développent des systèmes de paiement alternatifs (BRICS Pay, mBridge) pour contourner le système financier occidental.

Cette expansion témoigne de l’attractivité d’un ordre international alternatif, moins dominé par l’Occident. Cependant, l’unité des BRICS reste relative : ces pays ont des systèmes politiques et des intérêts très divers (la rivalité sino-indienne par exemple limite les actions communes). Néanmoins, le sigle BRICS symbolise l’émergence du monde non-occidental et la remise en cause de l’ordre établi depuis 1945.

L’Organisation de coopération de Shanghai (OCS)

Avec l’adhésion du Belarus en juillet 2024, l’OCS devient la plus grande organisation régionale mondiale (24% du territoire, 42% de la population). Le sommet de Tianjin 2025 marque le 25ème anniversaire de cette structure qui incarne l’ordre post-occidental, regroupant la Chine, la Russie, et plusieurs États d’Asie centrale.

Le G20

Créé en 1999 à l’échelle des ministres des finances, puis érigé en sommet des chefs d’État à partir de 2008, le G20 rassemble les 19 premières économies mondiales plus l’Union européenne (et récemment l’Union africaine). Il comprend donc à la fois les pays du G7 (États-Unis, Canada, Japon, Royaume-Uni, France, Allemagne, Italie) et les grands émergents (Chine, Inde, Brésil, Russie, Afrique du Sud, Indonésie, Turquie, Arabie saoudite).

Le G20 s’est imposé comme le principal forum de coopération économique internationale depuis la crise financière de 2008. C’est en son sein que furent coordonnées les mesures d’urgence pour enrayer la récession mondiale de 2008-2009. Il se réunit annuellement pour discuter de régulation financière, de commerce, de développement durable, de santé mondiale. Le G20 représente 80% du PIB et les deux tiers de la population mondiales. Il est donc un lieu de dialogue privilégié entre puissances établies et émergentes, plus légitime que le G7 aux yeux de nombreux pays du Sud.


PARTIE IV - Géographie des conflits contemporains

Europe : La guerre en Ukraine

Le continent européen vit sa plus grave crise sécuritaire depuis 1945. L’invasion de l’Ukraine par la Russie le 24 février 2022 a transformé l’Ukraine en laboratoire de la guerre moderne : drones, guerre électronique, cyberattaques et utilisation massive de l’artillerie rappellent les heures les plus sombres du XXe siècle.

Trois ans plus tard, le conflit continue avec une intensité dramatique. L’infrastructure énergétique ukrainienne est passée de 56 GW à 9 GW de capacité, illustrant la stratégie russe de guerre totale. Au-delà de l’Ukraine, les tensions contaminent les Balkans avec les interférences russes en Moldavie et en Serbie.

Moyen-Orient : L’escalade régionale

L’année 2025 a vu le premier conflit direct entre l’Iran et Israël avec la “Guerre des Douze Jours” (13-24 juin), marquant une escalade dramatique des tensions régionales. Cette confrontation, impliquant directement les États-Unis, a bouleversé l’équilibre stratégique moyen-oriental.

Le conflit Gaza-Israël, entamé en octobre 2023, continue après plus de 628 jours de bombardements intensifs. Israël a mené 35 000 attaques dans 5 pays, causant selon les sources locales 53 000 morts palestiniens (83% de civils selon les enquêtes indépendantes). Cette guerre a réactivé l’“Axe de la Résistance” iranien et compromis le processus de normalisation israélo-arabe.

La région reste également marquée par la guerre civile interminable en Syrie, les rivalités entre l’Iran et ses voisins, et la situation fragile en Irak et au Liban. Les sanctions contre l’Iran, réimposées par l’ONU en septembre 2025, témoignent de la persistance des tensions nucléaires.

Asie-Pacifique : Le nouveau centre de gravité

La région Indo-Pacifique concentre les enjeux géopolitiques du XXIe siècle et cristallise plusieurs points de tension majeurs :

Taiwan : Les experts considèrent la période 2024-2028 comme la plus risquée pour un conflit armé. Les incursions chinoises franchissant la ligne médiane du détroit ont explosé : 248 fois en janvier 2025 contre 72 un an plus tôt.

Mer de Chine du Sud : Les confrontations sino-philippines au récif de Second Thomas Shoal illustrent la volonté chinoise d’imposer sa “ligne des neuf traits”, rejetée par la justice internationale. 12 incursions chinoises autour des îles Pratas en 2025 (contre 3 en 2024) témoignent de cette escalade.

Corée du Nord : Abandonnant sa politique de réunification pacifique en janvier 2025, Pyongyang renforce son partenariat militaire avec Moscou en déployant des milliers de soldats en Russie. Cette alliance illustre la recomposition des équilibres régionaux autour de blocs antagonistes.

Myanmar (Birmanie) : Plongé dans la guerre civile depuis le coup militaire de 2021, le pays connaît une intensification dramatique des violences. Les groupes de résistance ont capturé 277 positions militaires en 2024, tandis que la junte militaire perd progressivement le contrôle territorial, causant plus de 3 millions de déplacés internes.

Afrique : Le continent des crises oubliées

L’Afrique cumule les défis sécuritaires avec plusieurs zones de conflit majeur :

Le Sahel : Cette région concentre 19% des attaques terroristes mondiales et 51% des morts en 2024, avec une extension inquiétante vers les États côtiers (Bénin, Togo). L’Alliance des États du Sahel (Mali, Niger, Burkina Faso) illustre la réorientation géopolitique africaine, ces pays se détournant de la France pour se rapprocher de la Russie.

Soudan : La guerre civile oppose depuis avril 2023 les Forces armées soudanaises aux Forces de soutien rapide. Ce conflit a généré une catastrophe humanitaire avec 25 millions de personnes en situation de famine extrême et plus de 400 000 réfugiés au Tchad. Les États-Unis ont qualifié les massacres de Masalit de génocide en janvier 2025.

République démocratique du Congo : L’escalade du mouvement M23 en janvier 2025 a conduit à la prise de Goma, déplaçant 50 000 personnes en mars 2025. Ce conflit révèle l’implication régionale (soutien rwandais au M23) et l’instabilité chronique de cette région stratégique.

La Corne de l’Afrique (Éthiopie, Somalie) reste également marquée par des conflits et violences communautaires à forts bilans humains.

Amérique latine : Les tensions vénézuéliennes

Le Venezuela cristallise les tensions dans les Amériques. Après les élections contestées de juillet 2024, l’administration Trump a déployé 4 500 militaires américains dans les Caraïbes tandis que Maduro mobilise 4,5 millions de miliciens. La mise à prix de 50 millions de dollars pour l’arrestation de Maduro illustre l’escalade diplomatique entre Washington et Caracas.

Cette crise s’inscrit dans la lutte contre les organisations criminelles transnationales comme le Tren de Aragua, devenu un enjeu sécuritaire régional majeur. On observe aussi des violences endémiques liées au crime organisé au Mexique et en Colombie.

Synthèse des zones de tension actuelles

Zone/ThèmeNature de la tensionActeurs clés
Europe de l’Est (Ukraine)Guerre ouverte (invasion de l’Ukraine par la Russie en 2022)Russie vs Ukraine (+ OTAN en soutien indirect)
Mer de Chine / TaiwanTension stratégique, risque d’escalade militaireChine vs Taiwan (soutenu par USA, Japon)
Moyen-Orient (Israël-Palestine)Conflit récurrent, flambées de guerre (Gaza 2023-2025)Israël vs Hamas/Palestiniens (polarisation USA/Iran)
Moyen-Orient (Iran-Israël)Conflit direct (Guerre des Douze Jours, juin 2025)Iran vs Israël (+ USA)
Sahel (Mali, Niger, etc.)Insurrections djihadistes, instabilité politique (coups d’État)Groupes islamistes vs États sahéliens
Péninsule coréenneCrise nucléaire larvée, armistice fragile depuis 1953Corée du Nord vs Corée du Sud (soutenue par USA)
Océan Indien (Inde vs Pakistan)Rivalité historique, dispute du Cachemire, deux puissances nucléairesInde vs Pakistan
SoudanGuerre civile (depuis avril 2023)Forces armées soudanaises vs Forces de soutien rapide
MyanmarGuerre civile (depuis coup d’État 2021)Junte militaire vs groupes de résistance
VenezuelaCrise politique et régionaleMaduro vs Opposition/USA

D’une manière générale, malgré l’espoir de paix qu’avait fait naître la fin de la guerre froide, le monde reste confronté à de nombreux conflits armés. Certains sont de haute intensité, tandis que d’autres crises plus localisées demeurent méconnues et peu médiatisées. Cette prolifération des zones de tension illustre un monde instable, où rivalités géopolitiques classiques et facteurs nouveaux (terrorisme, acteurs non-étatiques, crises humanitaires et climatiques) s’entremêlent.


PARTIE V - Les partenariats stratégiques émergents

Les alliances indo-pacifiques

Le Quad (États-Unis, Japon, Australie, Inde) renforce sa coopération face à l’assertivité chinoise. L’Initiative Quad sur les Minéraux Critiques vise à réduire la dépendance à la Chine, tandis que le projet AUKUS (Australie, Royaume-Uni, États-Unis) développe une capacité sous-marine avancée malgré les révisions en cours sous Trump.

L’ASEAN, avec l’adhésion du Timor-Leste comme 11ème membre en octobre 2025, pratique un “multi-alignement stratégique” pour naviguer entre les grandes puissances. Cette stratégie reflète la volonté des puissances moyennes de préserver leur autonomie dans un monde fragmenté. L’ASEAN voit ses exportations vers les États-Unis augmenter de 25% depuis 2017, bénéficiant de la fragmentation des chaînes d’approvisionnement.


PARTIE VI - Les enjeux transversaux du XXIe siècle

La guerre économique et technologique

La fragmentation de l’économie mondiale

L’économie mondiale entre dans une ère de “découplage sélectif” où les considérations géopolitiques priment sur l’efficacité économique. Les tarifs douaniers sino-américains, bien qu’ayant diminué après les pics d’avril 2025, maintiennent une séparation des chaînes d’approvisionnement dans les secteurs critiques.

Cette fragmentation bénéficie aux puissances moyennes : le Mexique projette une croissance commerciale de 315 milliards de dollars avec les États-Unis d’ici 2033. Le “friendshoring” remplace progressivement la globalisation, 47% des entreprises réduisant leur dépendance aux fournisseurs chinois.

La bataille pour la souveraineté technologique

La compétition technologique sino-américaine restructure l’innovation mondiale. Les contrôles d’exportation américains sur les semi-conducteurs limitent la production chinoise de puces d’intelligence artificielle à 200 000 unités annuelles (contre 1 million d’importations Nvidia précédemment). Paradoxalement, ces contraintes stimulent l’innovation chinoise, comme le démontre le modèle DeepSeek R1, développé pour seulement 6 millions de dollars.

L’intelligence artificielle devient un terrain de compétition majeur entre puissances, structurant les rapports de force futurs. La Chine et les États-Unis se livrent une course sans merci pour la domination technologique du XXIe siècle.

Les nouvelles géographies énergétiques

La transition énergétique redessine la géopolitique mondiale. Les investissements dans les énergies propres atteignent 2 000 milliards de dollars en 2024, soit le double des investissements fossiles. Cette transformation fait émerger de nouveaux acteurs géopolitiques : l’Australie et le Chili deviennent des exportateurs majeurs d’hydrogène vert, tandis que la Chine domine 85-90% du raffinage des terres rares nécessaires aux technologies vertes.

Les minéraux critiques (lithium, cobalt, terres rares) deviennent des enjeux géopolitiques majeurs. La Chine a étendu en février 2025 ses restrictions d’exportation au tungstène, tellure, bismuth et molybdène vers les États-Unis, illustrant la “weaponisation” de ces ressources stratégiques.

Les défis climatiques et leurs implications géopolitiques

L’accélération du changement climatique

Malgré les accords climatiques successifs, les émissions mondiales atteignent un nouveau record de 40,8 milliards de tonnes de CO2 en 2024 (+1%). Cette trajectoire, incompatible avec les objectifs de l’Accord de Paris, génère des tensions croissantes entre pays développés et en développement sur le financement de la transition.

La COP29 de Bakou (novembre 2024) a acté un financement de 300 milliards de dollars par an d’ici 2035, jugé insuffisant par les pays vulnérables. L’absence de référence explicite à la “sortie des énergies fossiles” dans le texte final, contrairement à la COP28, illustre les résistances persistantes.

Les nouveaux conflits de ressources

Le changement climatique exacerbe les tensions géopolitiques autour des ressources vitales. 735 millions de personnes n’ont pas accès total à l’eau, avec 150 millions de “réfugiés de l’eau” potentiels. L’ONU recense 1 131 conflits hydriques, particulièrement autour du Nil (Égypte-Éthiopie), de l’Euphrate-Tigre et du Jourdain.

Les terres arables deviennent également un enjeu stratégique face à une demande alimentaire appelée à doubler d’ici 2050. L’accaparement foncier par des investisseurs étrangers génère des tensions locales, particulièrement en Afrique subsaharienne.

L’émergence de la diplomatie climatique

Le changement climatique devient un facteur de puissance géopolitique. Les pays riches en énergies renouvelables (Australie, Chili, Maroc) émergent comme de nouveaux acteurs influents, tandis que les exportateurs fossiles traditionnels (Golfe, Russie) tentent de préserver leur rente énergétique.

L’Union européenne mise sur son leadership climatique pour maintenir son influence internationale, mais reste handicapée par des prix énergétiques élevés face à la concurrence américaine et chinoise.

Les mutations démographiques et migratoires

Les fractures démographiques mondiales

Le monde de 2025 se caractérise par des fractures démographiques inédites. L’Afrique subsaharienne, avec 66% de croissance démographique projetée d’ici 2050, contraste avec l’Europe (25% de plus de 60 ans) et l’Asie en voie de vieillissement. La Chine perdra 200 millions d’habitants entre 2024 et 2054, transformant radicalement son profil géopolitique.

Cette divergence démographique redessine les rapports de force. L’Afrique, représentant 60% des moins de 25 ans mondiaux, dispose d’un potentiel dividende démographique considérable si elle parvient à intégrer sa jeunesse. Inversement, l’Europe et l’Asie du Nord-Est font face au défi du vieillissement, nécessitant des migrations de remplacement.

L’intensification des flux migratoires

Les migrations mondiales atteignent des niveaux historiques avec 123,2 millions de personnes déplacées de force fin 2024. Cette crise migratoire s’aggrave avec le changement climatique : 32,6 millions de déplacés environnementaux en 2022 (+41% par rapport à la moyenne décennale), avec des projections de plus de 216 millions de migrants climatiques internes d’ici 2050.

Les routes migratoires se militarisent : 2 279 morts en Méditerranée en 2024, tandis que la route atlantique vers les Canaries bat des records avec 41 800 traversées. À la frontière USA-Mexique, 10 000 passages quotidiens maintiennent une pression politique constante.

L’instrumentalisation géopolitique des migrations

Les migrations deviennent des armes géopolitiques. Le Bélarus utilise les migrants contre l’UE, la Turquie brandit la menace migratoire dans ses négociations avec l’Europe, tandis que les accords UE-Tunisie/Libye illustrent l’externalisation des contrôles migratoires.

Cette instrumentalisation révèle les contradictions des politiques migratoires : 50 pays dépendent de l’immigration pour compenser leur déficit démographique, mais les résistances politiques internes limitent l’ouverture. La “guerre des talents” entre pays développés exacerbe le “brain drain” au détriment des pays d’origine.

La militarisation mondiale

Les dépenses militaires mondiales atteignent des niveaux records de 2 718 milliards de dollars en 2025 (+9,4%), illustrant une course aux armements sans précédent depuis la fin de la guerre froide. L’Europe et le Moyen-Orient connaissent les augmentations les plus spectaculaires.

Cette militarisation s’accompagne d’une modernisation technologique : drones, intelligence artificielle, armes hypersoniques et systèmes de défense antimissile redéfinissent les doctrines militaires. La guerre en Ukraine sert de laboratoire pour ces nouvelles formes de combat, mêlant guerre conventionnelle et technologies de pointe.


CONCLUSION - Vers quel ordre mondial ?

L’analyse de la situation géopolitique mondiale en 2025 révèle une transformation systémique majeure. De 1945 à aujourd’hui, le monde est passé d’un système bipolaire (guerre froide), à un moment unipolaire (années 1990), pour entrer dans une ère multipolaire complexe et fragmentée.

L’ordre libéral international, dominant depuis 1989, cède place à un système où coexistent coopération sectorielle et compétition systémique. Cette transition s’accompagne d’une résurgence des conflits armés, d’une militarisation sans précédent et d’une fragmentation croissante de la gouvernance mondiale.

Trois scénarios se dessinent pour l’avenir :

  1. Bipolarisation sino-américaine : Formation de blocs rivaux autour des deux superpuissances, avec un risque de nouvelle guerre froide
  2. Multipolarité gérée : Les puissances moyennes (Inde, UE, pays du Global South) jouent un rôle d’arbitrage et maintiennent des espaces de coopération
  3. Chaos multipolaire : Effondrement des institutions globales et multiplication des conflits régionaux

L’issue dépendra de la capacité des acteurs internationaux à maintenir des canaux de dialogue et à développer de nouveaux mécanismes de coopération adaptés aux défis du XXIe siècle.

Les enjeux climatiques, migratoires et technologiques, par leur caractère transnational, obligent paradoxalement à la coopération dans un monde de plus en plus fragmenté. Cette tension fondamentale entre nécessité de coopération globale et tendances centrifuges nationales définira l’ordre géopolitique des décennies à venir.

Le monde de 2025 n’est donc plus dominé par un seul “gendarme” : il est multiforme et multipolaire, traversé par des rivalités renouvelées entre grandes puissances et des conflits locaux aux répercussions globales. Les défis globaux – terrorisme, prolifération nucléaire, pandémies, changement climatique – compliquent encore la donne géopolitique. En somme, l’ordre international du début du XXIe siècle est marqué par l’incertitude et la compétition après la parenthèse unipolaire des années 1990.

Comprendre cette évolution historique – de la guerre froide au monde multipolaire actuel – et saisir les dynamiques de fond qui animent les relations internationales contemporaines est indispensable pour décoder un monde en rapide évolution. Les défis du futur viendront encore reconfigurer cette toile géopolitique, rendant plus que jamais utile une grille de lecture globale et informée des affaires du monde.


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