Hotspots II À Bruxelles : Flopgunz - Cartographie, Faits Marquants Et Mesures (2022–2025)

Les 15 zones CoReS et les autres points sensibles : où, pourquoi, et comment c’est pas drôle

🗺️ La carte interactive de Bruxelles a été réalisée avec uMap, sur base de OpenStreetMap.
Elle regroupe :

  • les lieux emblématiques (culture, patrimoine, parcs, gares…)
  • une sélection de bars et restaurants sympas (bières, friteries, cocktails, cuisine du monde…)
  • les hotspots urbains 2024-2025 (zones sensibles, selon les autorités locales)

TL;DR

  • En mars 2024, le CoReS a listé 15 hotspots prioritaires à Bruxelles (centre & ouest surtout) pour concentrer la lutte contre le trafic de drogue et la violence associée. Exemples saillants : Yser/Chaussée d’Anvers, Querelle/Marolles, Gare du Midi & Porte de Hal, Clémenceau & Peterbos (Anderlecht), Rue de la Borne/Colonne, Étangs Noirs, Ribaucourt (Molenbeek), Matongé (Ixelles).
  • En parallèle, le dossier recense des zones non officielles qui montent en risque (p.ex. Place Bethléem à Saint-Gilles, Rue d’Aerschot au Quartier Nord, Anneessens, Place Lemmens, etc.).
  • Tendance 2022–2025 : hausse des fusillades liées aux rivalités de réseaux (déplacements après opérations coup-de-poing ; “effet vases communicants” Gare du Midi → Porte de Hal), avec mesures combinées : présence policière accrue, interdiction de vente d’alcool nocturne sur certains périmètres, caméras/éclairage, opérations judiciaires, et réponses sociales (p.ex. SCMR, prévention de quartier). Ordre de grandeur 2024 : ~89 fusillades sur la Région, 8 mortelles (9 décès).

PDF annexe

Note : l’affichage et la toolbar dépendent du navigateur/lecteur PDF.


La carte

🗺️ Voir en plein écran


L’article

Entre invisibilité et stigmatisation : Les angles morts de la couverture médiatique des petits dealers bruxellois

La couverture médiatique belge des hotspots criminels bruxellois révèle une mutation progressive vers plus de nuance sociale, mais laisse encore dans l’ombre les réalités humaines et structurelles qui poussent des jeunes précaires vers le petit trafic. Cette analyse de la presse belge et des alternatives de terrain dévoile un écosystème médiatique en transition, où coexistent approches sensationnalistes et tentatives de contextualisation, créant un portrait incomplet qui nuit à la compréhension publique du phénomène.

L’enjeu dépasse la simple information : il s’agit de comprendre comment la représentation médiatique influence les politiques publiques et façonne l’opinion sur des jeunes pris dans un continuum de vulnérabilités socio-économiques que les médias mainstream peinent encore à saisir dans sa complexité.

Une évolution médiatique inégale vers la contextualisation sociale

La presse belge francophone montre une maturation notable dans le traitement des hotspots bruxellois depuis 2023. La RTBF adopte désormais l’approche la plus aboutie avec des enquêtes approfondies questionnant l’efficacité des politiques répressives et documentant le recrutement de “mineurs étrangers non accompagnés utilisés comme dealeurs”. L’angle criminologique émerge : “Dans certains cas, plus spécifiquement celui des mineurs étrangers non accompagnés (MENA), les groupes criminels remplissent une certaine ‘fonction sociale’ en fournissant un logement, de la nourriture et un peu d’argent.”

Cette évolution contraste avec la couverture traditionnelle. La Libre Belgique équilibre désormais perspectives sécuritaires et sociales, citant un bourgmestre de Molenbeek : “Ces trafiquants trouvent chez nous des personnes en fragilité économique et ils les recrutent.” Même La Dernière Heure révèle des phénomènes sociologiques inédits comme les “dealers sociaux” qui “proposent leurs services aux riverains pour obtenir leur adhésion”, témoignant d’une quête de légitimité sociale révélatrice.

Cependant, cette contextualisation reste inégalement distribuée selon les médias et secondaire par rapport aux angles sécuritaires. Les témoignages directs de dealers demeurent exceptionnels, réduits à des noms d’emprunt (“Mehdi” chez RTBF), maintenant une distance avec les principales personnes concernées.

Le profil invisible : Jeunes précaires dans l’angle mort médiatique

Les données de terrain révèlent un décalage saisissant entre réalités sociologiques et représentation médiatique. Les petits dealers bruxellois sont majoritairement des jeunes adultes de 18-24 ans issus du “croissant pauvre” - Molenbeek (22% de chômage), Saint-Josse (29% d’élèves en retard scolaire), Schaerbeek - confrontés à des barrières structurelles d’accès à l’emploi légal.

L’Observatoire de la Santé et du Social de Bruxelles-Capitale documente une précarité multidimensionnelle : 25% de la population bruxelloise vit sous le seuil de pauvreté, les loyers ont augmenté de 15% entre 2012-2022, et 51 615 ménages attendent un logement social. Pour les jeunes 18-24 ans, le nombre de bénéficiaires du revenu d’intégration sociale a doublé (+100%) entre 2011-2021.

Cette réalité structurelle trouve peu d’écho dans la couverture mainstream, qui tend à individualiser les parcours plutôt qu’à analyser les mécanismes systémiques d’exclusion. Les médias mentionnent la précarité mais peinent à articuler les liens entre discriminations, accès limité au logement/emploi/éducation, et basculement dans l’économie illégale.

L’approche répressive belge face aux innovations européennes

L’analyse des politiques publiques révèle un retard structurel de la Belgique par rapport aux innovations européennes. Avec 62% du budget drogues alloué à la répression et seulement 3% à la prévention, la Belgique maintient une logique punitive là où d’autres pays expérimentent des alternatives probantes.

Le modèle portugais démontre l’efficacité d’une approche radicalement différente : depuis la décriminalisation complète en 2001, le coût social de la consommation a diminué de 18% et les décès liés aux drogues sont passés à 0,4 pour 100 000 habitants (moyenne européenne : 2,2). La Suisse, avec sa “politique des quatre piliers” combinant prévention, thérapie, réduction des risques et répression ciblée, obtient des résultats similaires.

Cette comparaison internationale reste largement absente du débat médiatique belge, privant le public d’une mise en perspective des choix politiques nationaux. Les médias couvrent les opérations policières et les statistiques d’arrestations (399 dealers arrêtés en 9 mois selon La DH) sans questionner l’efficacité de cette approche ni présenter les alternatives éprouvées ailleurs.

Un écosystème alternatif riche mais marginalisé

Paradoxalement, Bruxelles dispose d’un écosystème associatif et médiatique alternatif remarquable qui développe depuis des décennies des approches humanisées du phénomène. L’association MOVE, présente depuis 25 ans à Molenbeek, pratique un travail social de rue préventif avec des services spécialisés (ANTENNE J pour l’aide socio-juridique, LE PONT pour le soutien aux usagers, SCAPI pour la réinsertion post-carcérale).

Le Centre Vidéo de Bruxelles (CVB), avec 50 ans d’expérience, a produit dès 1997 le documentaire collectif “Demande à ton dealer”, privilégiant une philosophie de “travailler avec les gens et non sur les gens”. Les radios associatives comme Radio Panik donnent régulièrement la parole aux “oubliés” du débat public.

Ces initiatives développent des méthodologies participatives permettant aux personnes concernées de s’exprimer directement, contrastant avec les médias mainstream qui parlent d’elles sans leur donner la parole. Elles documentent des réalités invisibilisées : les “services aux riverains” que proposent certains dealers (aide aux personnes âgées), la recherche de “rôle social” de certains trafiquants, la diversité des profils et vulnérabilités.

Les zones d’ombre persistantes du traitement médiatique

L’analyse croisée révèle quatre angles morts majeurs dans la couverture mainstream des petits dealers bruxellois :

La déhumanisation systémique transforme des parcours individuels complexes en statistiques criminelles. Les médias parlent de “399 dealers arrêtés” sans documenter qui sont ces personnes, leurs motivations, leurs contraintes. Cette approche quantitative occulte la dimension qualitative des parcours.

Le sensationnalisme sélectif privilégie la violence spectaculaire (92 fusillades en 2024) au détriment des causes profondes. Cette focalisation sur l’événementiel nuit à la compréhension des processus sociologiques de long terme qui alimentent le phénomène.

L’invisibilisation des alternatives marginalise les initiatives de terrain et les solutions préventives. Quand un média couvre une fusillade, il mentionne rarement les programmes de prévention existants dans le même quartier, créant un sentiment d’impuissance chez les lecteurs.

La réduction de la complexité ignore les différentes catégories de “dealers” : mineurs exploités, sans-papiers contraints, usagers-revendeurs, jeunes de quartiers sans perspectives. Cette homogénéisation nuit à l’élaboration de réponses différenciées.

Vers une éducation populaire des enjeux structurels

Pour l’éducation populaire, cette recherche révèle l’importance de déconstruire le récit dominant sur la criminalité des jeunes précaires. Les chiffres parlent : 76,3% des personnes en précarité ont vécu au moins une expérience de violence, 27,6% déclarent une santé mentale dégradée, 15,6% sont complètement isolées socialement.

Ces données contextualisent les choix individuels dans des déterminants structurels que les politiques publiques peuvent adresser. L’exemple européen montre qu’investir dans la prévention plutôt que la répression produit de meilleurs résultats sociaux et économiques.

La richesse des initiatives bruxelloises alternatives démontre qu’une autre narration est possible : celle qui replace la parole des personnes concernées au centre, qui contextualise les choix individuels dans les contraintes structurelles, qui présente les solutions concrètes expérimentées sur le terrain.

Conclusion : Combler les angles morts pour une compréhension éclairée

La couverture médiatique belge des petits dealers dans les hotspots bruxellois traverse une phase de transition. L’évolution vers plus de contextualisation sociale est réelle mais incomplète. Les médias maintiennent un équilibre délicat entre information du public sur les enjeux sécuritaires et risque de stigmatisation des communautés concernées.

L’enjeu pour l’éducation populaire consiste à révéler les mécanismes structurels que le traitement médiatique mainstream continue d’occulter : comment la précarité du logement, les discriminations à l’embauche, le décrochage scolaire et l’absence d’alternatives d’insertion créent un terreau propice au recrutement par les réseaux criminels.

Les expériences européennes et l’écosystème alternatif bruxellois offrent un réservoir de solutions et d’approches narratives qui pourraient enrichir le débat public. Faire connaître ces alternatives contribuerait à une compréhension plus nuancée et plus juste d’un phénomène complexe qui interroge nos choix collectifs en matière de solidarité et de justice sociale.


Le dossier

Note : l’affichage et la toolbar dépendent du navigateur/lecteur PDF.


Bibliographie sélective

Alter Echos. (2024). Police: chasse aux dealers ou aux consommateurs? https://www.alterechos.be/police-chasse-aux-dealers-ou-aux-consommateurs/

Centre Bruxellois de Coordination Sociosanitaire. (2025). Evolution des problématiques sociales et de santé à Bruxelles : analyse et recommandations. https://cbcs.be/Evolution-des-problematiques/

Centre Vidéo de Bruxelles. (1997). Demande à ton dealer. https://cvb.be/en/movie/demande-ton-dealer

France 24. (2025, 28 février). Décriminalisation des drogues au Portugal : un modèle qui peine à s’exporter. https://www.france24.com/fr/europe/20250228-décriminalisation-drogues-portugal-modèle-qui-peine-à-s-exporter

Franceinfo. (2023). Au Portugal, la dépénalisation des drogues est un succès. https://www.franceinfo.fr/sante/drogue-addictions/cannabis/au-portugal-la-depenalisation-des-drogues-est-un-succes_2511975.html

Guide Social. (2025). MOVE asbl - Molenbeek Vivre Ensemble. https://pro.guidesocial.be/associations/move.10050.html

Infodrog. (2025). Politique en matière de drogue - Centrale nationale de coordination des addictions. https://www.infodrog.ch/fr/ressources/politique-addictions/politique-en-matiere-de-drogue.html

La DH/Les Sports+. (2020, 16 octobre). Drogue : chaque mois, la police de Bruxelles-Capitale-Ixelles arrête… 44 dealers ! https://www.dhnet.be/regions/bruxelles/2020/10/16/drogue-chaque-mois-la-police-de-bruxelles-capitale-ixelles-arrete-44-dealers-TXGGHXO335AEHFZDVLX4BZFKCQ/

La DH/Les Sports+. (2025, 27 août). Quand les dealers de rue proposent leurs services aux riverains pour obtenir leur adhésion : “Les trafiquants veulent avoir un rôle social”. https://www.dhnet.be/actu/belgique/2025/08/27/quand-les-dealers-de-rue-proposent-leurs-services-aux-riverains-pour-obtenir-leur-adhesion-les-trafiquants-veulent-avoir-un-role-social-JM5WMYMSLJFKZCSW5N76VOPAO4/

La Libre. (2025, 29 août). À Molenbeek, des habitants à bout face aux fusillades interpellent les autorités communales. https://www.lalibre.be/belgique/2025/08/29/a-molenbeek-des-habitants-a-bout-face-aux-fusillades-interpellent-les-autorites-communales-jai-envie-de-fuir-NRG2E243XVEOTJD5LQOKL7JAK4/

Le Temps. (2025). En plein Bruxelles, une guerre entre gangs de trafiquants de drogues a fait deux morts en dix jours. https://www.letemps.ch/monde/europe/en-plein-bruxelles-une-guerre-entre-gangs-de-trafiquants-de-drogues-a-fait-deux-morts-en-dix-jours

MOVE. (2025). Travailleurs sociaux de rue – secteur Centre. https://move.brussels/travail-social-de-rue/secteur-centre/

Rampages. (2024). Les médias & les stéréotypes – Atelier RÉEL : FREN 425. https://pressbooks.rampages.us/oerfrlgupperlevel/chapter/les-medias-les-stereotypes/

RTBF. (2024). Trafic de drogue : des mineurs recrutés sur les réseaux sociaux et des sans-papiers utilisés comme dealeurs à Bruxelles. https://www.rtbf.be/article/l-enquete-des-mineurs-et-des-sans-papiers-utilises-comme-dealers-a-bruxelles-11537918

SocialEnergie. (2024). Précarité constante et préoccupante en Région bruxelloise. Chiffres et constats du dernier « Baromètre social ». https://www.socialenergie.be/fr/precarite-constante-et-preoccupante-en-region-bruxelloise-chiffres-et-constats-du-dernier-barometre-social/

StudySmarter. (2024). Biais des Médias: Définitions & Exemples. https://www.studysmarter.fr/resumes/etudes-de-communication/journalisme-information-et-verification/biais-des-medias/

Transform Drug Policy Foundation. (2025). About us. https://transformdrugs.org/about-us

Wikipédia. (2024). Biais médiatique. https://fr.wikipedia.org/wiki/Biais_médiatique


Le mot de la fin

Il dirait quoi le Général ?
Ha, […] ils tirent comme des cochons.
0%