Entre Entropie & Dystopie : 2025, Comment Garder L’équilibre ?
Relier l’entropie (désordre) aux dérives dystopiques (surcontrôle)

Voici tout de suite ma note initiale datée du 11/05/2025. Après, on verra ce que les collègues en pensent. La question d’alors était :
Quelles sont les significations de :
entropie
dystopie
- Il y a t il un lien entre les deux ?
1. Entropie :
Définition scientifique :
En physique (thermodynamique), l’entropie est une mesure du désordre d’un système. Plus l’entropie est élevée, plus le système est désorganisé et moins il est capable de produire du travail. C’est une grandeur qui tend à augmenter avec le temps dans un système isolé (deuxième loi de la thermodynamique), ce qui symbolise une dégradation progressive de l’énergie disponible.
En termes simples :
L’entropie représente le passage du structuré au chaotique. C’est le fait qu’avec le temps, tout a tendance à se désorganiser, à se disperser, à perdre en cohérence.
Applications symboliques et métaphoriques :
En philosophie ou en sociologie, l’entropie peut désigner une désorganisation sociale, la perte de repères ou d’ordre.
En informatique, on utilise aussi l’entropie pour mesurer l’aléatoire ou l’incertitude d’un système.
2. Dystopie :
Définition littéraire et politique :
Une dystopie est une contre-utopie, c’est-à-dire une fiction (ou parfois une réalité potentielle) qui présente une société fictive, totalitaire, oppressive, déshumanisée, sous une apparence d’ordre ou de progrès.
Exemples connus :
1984 de George Orwell (surveillance, totalitarisme)
Le Meilleur des Mondes d’Aldous Huxley (contrôle par le bonheur artificiel)
Fahrenheit 451 de Ray Bradbury (censure et destruction du savoir)
Fonction sociale et politique :
Alerter sur des dérives du présent
Exagérer des tendances réelles pour mieux les dénoncer
3. Y a-t-il un lien entre les deux ?
Oui, et il est à la fois profond et paradoxal.
La dystopie impose un excès d’ordre, souvent artificiel, au détriment des libertés individuelles.
L’entropie représente le chaos naturel, la perte de contrôle, la désorganisation spontanée.
Mais les deux sont liés dans une tension entre ordre imposé et désordre naturel :
Une société dystopique cherche à bloquer l’entropie, à maintenir un ordre rigide… mais ce contrôle excessif génère souvent une entropie sociale ou psychique (perte de sens, désespoir, rébellion, chaos intérieur).
À l’inverse, trop d’entropie (désorganisation sociale, perte de repères, effondrement) peut donner naissance à une dystopie, dans une tentative de reprendre le contrôle à tout prix (via autoritarisme, technologies de surveillance, etc.).
En résumé :
| Terme | Sens principal | Domaine | Risque ou effet associé |
|---|---|---|---|
| Entropie | Tendance naturelle au désordre | Physique, philosophie | Perte d’énergie, chaos, désorganisation |
| Dystopie | Système oppressif sous forme d’ordre extrême | Littérature, politique | Aliénation, perte de liberté, manipulation |
Lien :
Trop d’entropie appelle un besoin d’ordre. Trop d’ordre produit un effet d’entropie sur l’humain. C’est une boucle dialectique entre désordre naturel et ordre artificiel, et l’un peut engendrer l’autre.
On va approfondir cette tension entre entropie et dystopie dans une perspective politique et sociétale, avec des exemples concrets, pour montrer comment ces dynamiques s’observent dans le monde réel.
I. ENTROPIE SOCIALE : quand le désordre s’installe
1. Symptômes d’entropie sociale :
Perte de confiance dans les institutions
Fragmentation des communautés (polarisation)
Multiplication des fake news et désinformation
Incapacité des gouvernements à répondre aux crises
Effondrement des services publics ou de l’État de droit
Exemple concret :
Liban : effondrement économique, corruption généralisée, infrastructures délabrées, fuite des cerveaux.
Haïti : perte de contrôle de l’État, insécurité généralisée, multiplication des gangs, absence de services publics.
Dans ces contextes, l’entropie se manifeste par une désintégration du lien social, une perte de structures solides, et un sentiment de chaos.
II. LA DYSTOPIE COMME RÉPONSE : l’ordre imposé face au chaos
Quand l’entropie devient insupportable, certaines forces politiques imposent une dystopie pour restaurer l’ordre, mais au prix d’un contrôle extrême.
1. Symptômes d’un glissement dystopique :
Surveillance de masse
Répression des mouvements sociaux
Contrôle du discours public
Censure ou manipulation de l’information
Technologie utilisée pour soumettre plutôt qu’émanciper
Exemples concrets :
Chine (modèle de crédit social) : surveillance algorithmique, reconnaissance faciale, sanctions automatisées.
Hongrie sous Viktor Orbán : mainmise sur les médias, répression des ONG, restriction des libertés universitaires.
Israël-Palestine : usage de la haute technologie pour contrôler une population (drones, intelligence artificielle, reconnaissance faciale dans les territoires occupés).
III. L’ENTROPIE PEUT AUSSI RÉVÉLER L’EMERGENCE D’UN NOUVEL ORDRE
Il faut aussi nuancer : l’entropie n’est pas toujours mauvaise. Parfois, ce que les élites qualifient de « chaos » ou de « désordre » correspond en fait à des tentatives populaires d’émancipation, de remise en question des structures injustes.
Exemples positifs d’“entropie créatrice” :
Printemps arabes (2011) : soulèvements populaires contre des régimes autoritaires, parfois désorganisés, mais porteurs d’un désir de liberté.
Gilets Jaunes (France) : mouvement spontané, horizontal, décentralisé, critiqué pour son manque de structure mais porteur d’une voix populaire.
ZADs, occupations citoyennes, squats solidaires : formes de réappropriation collective de l’espace, hors des cadres institutionnels.
Dans ces cas, l’entropie sociale devient féconde : elle ouvre un espace de contestation, d’expérimentation, d’imagination politique.
IV. TENSION ENTRE ENTROPIE ET DYSTOPIE DANS LES DÉMOCRATIES LIBÉRALES
Les régimes démocratiques sont de plus en plus confrontés à cette tension :
D’un côté, la société devient plus complexe, plus imprévisible (entropie).
De l’autre, l’État ou les GAFAM tentent d’imposer un ordre algorithmique, une forme de gouvernance par la donnée (dystopie soft ?).
Exemples parlants :
Pandémie de COVID-19 : entre nécessité d’un contrôle sanitaire et dérive sécuritaire (suivi des individus, QR codes, lois d’urgence prolongées).
Utilisation de l’IA dans les décisions publiques : justice prédictive, tri algorithmique des demandeurs d’asile, notation des allocataires.
Ces outils peuvent servir à mieux organiser le chaos… ou à imposer un ordre injuste sans débat démocratique.
V. CONCLUSION : VERS UN ÉQUILIBRE ?
L’enjeu politique majeur est peut-être le suivant :
Comment construire un ordre social juste, sans sombrer dans la dystopie, et sans nier les forces entropiques qui traversent nos sociétés (diversité, incertitude, aspirations contradictoires) ?
Cela suppose :
De ne pas répondre au chaos par plus d’autoritarisme,
Mais aussi de ne pas céder au fatalisme de l’effondrement,
Et de réhabiliter des formes d’organisation collective souples, auto-organisées, résilientes.
Pourquoi en parler maintenant ?
En 2025, nous vivons une double tension :
- d’un côté, l’entropie sociale (instabilité, désorganisation, crises en chaîne) ;
- de l’autre, la tentation d’un ordre algorithmique qui promet de « remettre de la maîtrise » au prix d’un contrôle potentiellement dystopique.
L’Union européenne a désormais un cadre pionnier avec l’AI Act : prohibitions applicables dès le 2 février 2025 (dont l’interdiction du social scoring par les autorités), règles pour l’IA « GPAI » au 2 août 2025, entrée en application complète prévue le 2 août 2026 (avec quelques délais spécifiques). Ce cadre change concrètement la donne pour les usages publics et privés de l’IA en Belgique. (digital-strategy.ec.europa.eu)
1) Entropie : le désordre qui monte… et ce qu’il révèle
En physique, l’entropie mesure la tendance d’un système à aller vers le désordre et la dispersion de l’énergie ; appliqué au social, le terme désigne la fragmentation, la perte de repères et la difficulté à coordonner l’action collective. (openstax.org)
Exemples actuels
- Haïti (septembre 2025) : la violence des gangs s’étend hors de la capitale, avec des massacres récents et des déplacements massifs. Cette « dissolution » de l’ordre public illustre une entropie sociale extrême où l’État peine à garantir la sécurité de base. (Reuters)
Idée clé : l’entropie sociale n’est pas seulement « le chaos » ; elle met à nu la faiblesse des institutions et peut aussi ouvrir des espaces d’invention (entraide, gouvernance locale, communs).
2) …et la réponse dystopique : l’ordre par la donnée
Quand le désordre s’installe, les systèmes politiques et techniques proposent souvent plus de contrôle : capteurs, caméras, scoring, filtrage, automatisation des décisions.
a) Social scoring, mythe et réalités
Le « score social » chinois est fréquemment présenté comme un système national unifié ; en réalité, il s’agit d’un enchevêtrement d’initiatives locales et commerciales, loin d’un « super-score » unique, même si l’arsenal de surveillance s’est, lui, bien déployé. La leçon à retenir pour l’Europe n’est pas tant le mythe d’un score unique que la capillarité des dispositifs de contrôle. (merics.org)
b) Reconnaissance faciale et contrôle de populations
Plus près de nous, des organisations de défense des droits ont documenté l’usage de la reconnaissance faciale pour contrôler des populations dans les territoires occupés, avec des systèmes dédiés aux checkpoints et à la surveillance de masse. Ces pratiques illustrent une dérive dystopique concrète : tri, restriction de la mobilité, bases de données sans consentement. (Amnesty International)
c) Algorithmes sociaux : quand l’automatisation blesse
En Europe, l’automatisation des contrôles sociaux a parfois produit des dommages massifs :
- Pays-Bas : le scandale des allocations familiales (2005–2019) a vu des milliers de familles accusées à tort, conduisant à des drames sociaux et à la chute du gouvernement en 2021. D’autres villes (ex. Rotterdam) ont éprouvé des systèmes de notation du risque qui ont fini par être arrêtés ou révisés face aux biais. Ces cas montrent la fragilité d’un ordre algorithmique mal gouverné. (Amnesty International)
Idée clé : l’ordre « par la donnée » promet l’efficacité, mais sans garde-fous il produit une entropie humaine : injustices en cascade, défiance, perte de légitimité.
3) La boucle entropie ⇄ dystopie
La note d’origine soulignait déjà la dialectique : trop d’entropie appelle un excès d’ordre, et trop d’ordre génère une entropie psychique et sociale (anxiété, résignation, révolte).
- Gouverner la complexité ne peut pas se réduire à « fermer le système » sous la contrainte.
- À l’inverse, romantiser le chaos n’aide pas : sans règles légitimes et explicables, la coopération s’effondre.
L’UE tente un chemin d’équilibre avec l’AI Act : interdictions ciblées (dont le social scoring public), transparence renforcée pour certains systèmes, exigences renforcées de gestion des risques. Pour la Belgique, cela signifie des obligations concrètes pour les acteurs publics et privés qui déploient de l’IA à impact sociétal. (digital-strategy.ec.europa.eu)
4) Et maintenant, on fait quoi (BE/UE) ?
Pour les pouvoirs publics (commune, CPAS, SPF, etc.)
- Avant tout déploiement : analyse d’impact (DPIA), documentation des données et features, tests de biais et procédure de recours humain effectif.
- Publication d’un registre des systèmes algorithmiques à fort impact (lisible par le public).
- Conformité AI Act : interdits, gouvernance, traçabilité, documentation, formation et culture de l’IA littératie (obligation entrée en application en 2025 pour certaines catégories).
Pour les organisations & associations
- Demander qui décide quoi : quel modèle, quelles données, quels taux d’erreurs, quelles voies de contestation ?
- Exiger des évaluations indépendantes et la co-conception des dispositifs avec les publics concernés.
Pour les citoyen·nes
- Utiliser les droits RGPD (accès, explication, rectification) et les voies de recours.
- Documenter les effets concrets (fausses alertes, files d’attente, pertes de droits) pour nourrir des actions collectives basées sur des faits.
TL;DR
- Entropie : la société devient plus imprévisible et fragmentée (ex. Haïti). (Reuters)
- Dystopie : réponse par surcontrôle (reconnaissance faciale, scoring, automatisation sociale) avec risques avérés. (Amnesty International)
- Cap : l’AI Act offre un cadre européen pour éviter le pire et imposer des garde-fous (interdits, transparence, gouvernance). (digital-strategy.ec.europa.eu)
- Action : registres algorithmiques, DPIA, tests de biais, recours humain, participation citoyenne ; bref, gouverner la complexité sans la matraquer.
Références mobilisées (sélection)
- Définition de l’entropie (physique) : OpenStax, Second Law of Thermodynamics: Entropy. (openstax.org)
- AI Act – calendrier d’application (UE) : Commission européenne / portail dédié. (digital-strategy.ec.europa.eu)
- Mythes & réalités du « social credit » chinois : MERICS. (merics.org)
- Reconnaissance faciale et contrôle de populations : Amnesty International, Automated Apartheid. (Amnesty International)
- Automatisation des contrôles sociaux & dommages : Amnesty (Pays-Bas) + reportages sur Rotterdam. (Amnesty International)
- Crise en Haïti (2025) : UN/OHCHR et agences de presse (contexte et actualité). (HCDH)
Remerciements & origine
Ce texte prolonge votre note initiale (définitions entropie/dystopie, dialectique ordre/désordre) en y ajoutant des preuves actuelles et le cadre juridique européen pertinent pour la Belgique.