Empouvoirement Individuel Et Action Collective Face À L’hégémonie Capitaliste
L’émancipation individuelle sans dimension collective est une illusion vendue par le système

Voici une synthèse des deux annexes (ci-dessous) portant sur l’« empowerment » (pouvoir d’agir) et l’action collective face à l’hégémonie capitaliste.
De quoi parle-t-on ?
Cette recherche explore une question centrale de notre époque : comment retrouver notre capacité d’agir collectivement pour transformer la société, alors que le capitalisme mondial nous pousse constamment vers l’individualisme et la compétition ?
Le “pouvoir d’agir” (ou empowerment) désigne notre capacité à prendre des décisions et à changer les choses autour de nous. Mais voici le piège : le système économique actuel a détourné cette belle idée pour en faire un outil de contrôle subtil.
Le grand détournement de l’autonomie
Comment le capitalisme récupère nos aspirations
Imaginez qu’on vous dise : “Sois autonome, réalise-toi, deviens entrepreneur de ta vie !” Cela semble positif, non ? En réalité, ces injonctions cachent un mécanisme pervers. Le néolibéralisme nous transforme tous en “entrepreneurs de nous-mêmes” - nous devons constamment nous améliorer, être plus productifs, plus adaptables.
Exemples concrets de cette récupération :
- Le coaching en entreprise prétend vous “libérer” mais vous rend simplement plus efficace pour votre employeur
- Le développement personnel transforme les problèmes sociaux (stress, précarité) en défauts personnels à corriger
- Les start-ups sociales canalisent l’énergie militante vers des solutions de marché qui ne changent rien au système
Résultat : nous sommes épuisés à force de devoir constamment nous “optimiser”, et trop isolés pour nous organiser collectivement.
Les racines théoriques : ce que les penseurs nous enseignent
Les fondamentaux
Antonio Gramsci nous explique que le capitalisme ne domine pas seulement par la force, mais en nous faisant accepter ses valeurs comme “naturelles”. C’est l’hégémonie culturelle : nous intériorisons l’idée que la compétition et le mérite individuel sont normaux, alors qu’ils servent surtout les dominants.
Paulo Freire propose la “conscientisation” : prendre conscience ensemble des oppressions pour agir collectivement. L’éducation populaire transforme les opprimés en acteurs de l’histoire.
Pierre Bourdieu montre comment nos comportements et aspirations sont conditionnés par notre position sociale. L’habitus - nos dispositions incorporées - reproduit les inégalités sans qu’on s’en rende compte.
Les voix contemporaines
Nancy Fraser révèle comment le féminisme lui-même a été détourné : l’émancipation des femmes est réduite à la réussite individuelle dans le système existant (la “girlboss”), au lieu de transformer les structures patriarcales et capitalistes.
Judith Butler insiste : “Il n’y a pas de je sans d’abord un nous”. Notre pouvoir naît quand nous nous rassemblons physiquement dans l’espace public, rendant visibles ceux que le système exclut.
L’histoire nous enseigne : l’évolution des luttes collectives
Du 19e siècle à aujourd’hui
1880-1914 : Naissance du syndicalisme moderne, avec des approches variées (révolutionnaire en France, réformiste en Allemagne)
1920-1970 : Mouvements de décolonisation inventant de nouvelles formes d’organisation transnationale
1960-1970 : “Nouveaux mouvements sociaux” (féminisme, écologie) dépassant les revendications purement économiques
1995-2010 : Altermondialisme et Forums sociaux mondiaux créant des convergences inédites
2010-2020 : Mouvements des places (Indignados, Occupy) refusant la représentation traditionnelle
Les expériences concrètes qui montrent la voie
Les ZAD : laboratoires d’autonomie collective
Les Zones À Défendre (comme Notre-Dame-des-Landes) ne sont pas que des blocages. Ce sont des espaces où des milliers de personnes expérimentent concrètement une vie sans capitalisme : décisions collectives, agriculture commune, entraide quotidienne. Elles prouvent qu’une autre organisation sociale est possible.
Les mouvements indigènes : la force de la communauté
Les Zapatistes du Mexique gouvernent leurs territoires de manière autonome depuis 1994. Leur principe : “commander en obéissant”. Chaque individu gagne en dignité dans une communauté qui pratique la vraie démocratie. Ils montrent que l’émancipation personnelle et collective sont indissociables.
Les coopératives : démocratiser l’économie
Mondragón (Pays Basque) : 74 000 travailleurs-propriétaires dans 257 coopératives Émilie-Romagne (Italie) : 65% de la population membre d’au moins une coopérative
Ces expériences prouvent qu’on peut organiser l’économie démocratiquement, avec le principe “un travailleur = une voix” plutôt que “un euro = une voix”.
Le féminisme en action : du personnel au politique
#MeToo et Ni Una Menos ont transformé des millions d’expériences individuelles de violence en mouvement collectif mondial. Les grèves féministes du 8 mars rendent visible le travail invisible des femmes. Mais attention : le système tente constamment de réduire ces luttes à du marketing “girl power”.
Les travailleurs des plateformes : s’organiser malgré tout
Livreurs Uber, chauffeurs, freelances : ces travailleurs “indépendants” (mais ultra-précarisés) commencent à s’organiser. Des coopératives comme CoopCycle offrent une alternative aux plateformes capitalistes, redonnant le pouvoir aux travailleurs.
Les paradoxes de notre époque
La double face du numérique
Internet permet des mobilisations massives et rapides, mais concentre aussi le pouvoir dans quelques méga-plateformes. Nous pouvons nous connecter mondialement, mais restons souvent dans des “bulles” qui nous isolent.
L’individualisation forcée
Nous avons théoriquement plus de choix que jamais, mais dans un cadre de plus en plus contraint. Nous sommes “libres” de choisir… à condition de rester productifs et consommateurs.
Construire un véritable pouvoir d’agir collectif
Les conditions de la transformation
1. Repolitiser nos problèmes Arrêter de voir le stress, la précarité ou l’épuisement comme des échecs personnels. Ce sont des conséquences du système qu’il faut changer collectivement.
2. Créer des espaces d’expérimentation Syndicats, associations, coopératives, squats, jardins partagés : tous ces lieux où l’on apprend à décider et agir ensemble sont essentiels.
3. Garder notre autonomie Les mouvements vraiment transformateurs évitent la dépendance aux financements et validations du système qu’ils contestent.
4. Connecter les luttes Féminisme, écologie, antiracisme, luttes ouvrières : ces combats gagnent à se reconnaître des objectifs communs sans perdre leurs spécificités.
Les innovations prometteuses
- Assemblées citoyennes pour une démocratie directe
- Monnaies locales pour reprendre le contrôle de l’économie
- Communs numériques (comme Wikipédia) montrant qu’on peut créer ensemble sans propriété privée
- Transition socio-écologique articulant justice sociale et urgence climatique
Le message central
L’émancipation individuelle sans dimension collective est une illusion vendue par le capitalisme. Le vrai pouvoir d’agir naît quand nous transformons nos aspirations personnelles en projets communs.
Le système actuel est expert pour récupérer nos désirs de liberté : il nous vend du coaching, du développement personnel, de l’entrepreneuriat social. Mais ces “solutions” individuelles ne changent rien aux causes profondes de nos problèmes.
La bonne nouvelle ? Partout dans le monde, des millions de personnes inventent de nouvelles façons de s’organiser. Des ZAD françaises aux coopératives italiennes, des féministes argentines aux Zapatistes mexicains, ces expériences prouvent qu’on peut articuler épanouissement personnel et transformation sociale.
Pour aller plus loin
Cette synthèse montre que le débat entre individu et collectif est un faux problème. La vraie question est : comment construire des collectifs qui respectent l’autonomie de chacun tout en créant la force nécessaire pour changer le système ?
La réponse se construit chaque jour, dans chaque lutte locale qui se connecte aux autres, dans chaque expérience qui prouve qu’une autre organisation sociale est possible. Le pouvoir d’agir collectif n’est pas mort - il se réinvente.
1. Comprendre l’empowerment : un processus qui renforce l’autonomie
- Définition générale – Dans sa définition la plus simple, l’empowerment est « un concept visant à accroître le degré d’autonomie des individus ». C’est à la fois un processus et un résultat : il s’agit de permettre aux personnes ou aux groupes de développer ou de retrouver leur capacité d’action.
- Origines – L’idée d’empowerment est née dans les mouvements de droits civiques et dans la psychologie communautaire dans les années 1960, où l’on cherchait à redonner du pouvoir aux personnes discriminées ou précaires.
- Approche stratégique – Dans le travail social ou la santé, on considère l’empowerment comme une stratégie d’accompagnement : on soutient l’effort des personnes ou des communautés pour qu’elles puissent agir sur les facteurs qui influencent leur vie. Cela implique l’acquisition de compétences, l’accès à l’information et la participation aux décisions.
- Versions radicales et féministes – Certaines approches parlent de « processus sociopolitique » qui articule l’estime de soi et une dynamique collective. Ce courant rappelle que l’empowerment ne se limite pas à améliorer l’individu, mais à changer les rapports de pouvoir injustes.
- Appropriation du pouvoir – Pour des auteurs comme Ninacs et Leroux, l’empowerment est un processus par lequel un individu ou un collectif « s’approprie le pouvoir et développe les compétences » nécessaires à l’action. On parle donc de construction de pouvoir, pas seulement de distribution.
- Autodétermination – Dans le domaine de la santé, l’empowerment est vu comme le processus par lequel une personne accroît son influence sur les décisions et les actions qui touchent sa santé.
2. Limites et dérives possibles
- Risque de « responsabilisation » individuelle – Certains auteurs rappellent que la mode de l’empowerment peut transférer la responsabilité des injustices sociales sur les individus. Développer le pouvoir d’agir sans transformer les structures risque de « sur‑responsabiliser les personnes » pour régler des problèmes qui dépassent leur sphère individuelle.
- Cooptation par le néolibéralisme – Le vocabulaire de l’autonomie peut être récupéré par les politiques néolibérales qui valorisent l’entrepreneuriat individuel sans remettre en cause les inégalités de pouvoir. D’où l’importance de relier l’empowerment individuel à une action collective.
3. Hégémonie capitaliste et globalisation : un système organisé
- Globalisation et élites transnationales – La théorie du capitalisme global insiste sur l’émergence d’une classe dirigeante transnationale. Le système n’est pas qu’un marché anonyme : les « relations d’élite » entre grands capitalistes, managers et responsables politiques forment une véritable structure de pouvoir.
- Crises comme moments charnières – Selon William I. Robinson, « les périodes de crise ouvrent un espace pour l’agence collective ». La pandémie de COVID‑19, la crise écologique ou les crises financières montrent que la stabilité capitaliste peut vaciller, permettant à de nouveaux acteurs de peser.
- Concentration des richesses – La mondialisation néolibérale concentre la richesse et le pouvoir entre les mains de quelques groupes, ce qui réduit la capacité des États à réguler et affaiblit les droits sociaux. Cette concentration s’accompagne d’une idéologie qui présente la croissance illimitée et la concurrence comme des faits naturels.
4. L’action collective dans un capitalisme mondialisé
- Remettre l’individu dans le collectif – L’empowerment prend tout son sens lorsqu’il s’inscrit dans des mouvements collectifs. Il ne s’agit pas d’opposer « moi » et « nous », mais de comprendre que l’épanouissement individuel se nourrit de la solidarité.
- Diversité des mouvements – Les mouvements pour le climat, les luttes féministes, les gilets jaunes ou Black Lives Matter montrent des formes d’organisation variées : campagnes numériques, assemblées locales, grèves, boycotts, actions directes. Ces mouvements mettent en commun des identités multiples et des préoccupations différentes (justice sociale, environnement, démocratie, égalité).
- Recomposition des modes d’action – Dans un monde globalisé, la coordination se fait souvent en réseau : petites initiatives locales reliées via internet, coalitions transnationales lors de forums sociaux, pétitions en ligne. Cette « recomposition » permet de concilier initiative individuelle et stratégie collective.
- Rôle des crises – Les crises sont des moments de bascule qui peuvent mobiliser largement (manifestations globales pour le climat, résistances à l’austérité). Elles révèlent les failles du système et donnent une légitimité aux alternatives. Comme le rappelle la théorie du capitalisme global, ces périodes rendent l’agence collective plus influente.
- Contre‑hébergement et utopies – Les mouvements alter‑mondialistes, coopérativistes ou décroissants travaillent à des alternatives concrètes : circuits courts, monnaies locales, coopératives, démocratie directe. Ils montrent qu’une autre économie est possible.
5. Stratégies pour renforcer le pouvoir d’agir collectif
- Éducation populaire et prise de conscience – L’éducation populaire consiste à partager des savoirs (historiques, sociaux, économiques) pour comprendre les causes des inégalités. Cette conscientisation développe l’esprit critique et la confiance nécessaires à l’action.
- Organisation et démocratie interne – Des structures participatives (assemblées, votes, groupes de travail) permettent d’associer le plus grand nombre. L’inclusion des femmes, des personnes racisées, des minorités sexuelles ou des travailleurs précaires renforce la légitimité des mouvements.
- Alliance des luttes – Converger différentes causes (écologie, justice sociale, anti‑racisme, anti-sexisme) crée une force plus large. La notion d’« intersectionnalité » met en lumière comment les oppressions se combinent et comment les luttes peuvent se soutenir mutuellement.
- Utilisation des outils numériques – Les réseaux sociaux, les plateformes de pétition et les outils collaboratifs facilitent l’organisation et la visibilité des mobilisations, mais ils peuvent aussi fragmenter l’action. Les mouvements doivent donc articuler présence en ligne et ancrage local.
6. Conclusion : articuler l’individuel et le collectif pour transformer le système
L’empowerment individuel permet de développer l’estime de soi et les compétences nécessaires pour participer à la vie sociale et politique. Toutefois, sans articulation avec une transformation collective des structures, cette démarche risque d’être récupérée ou de culpabiliser les personnes. Face à l’hégémonie capitaliste, seule une agence collective organisée peut créer un rapport de forces suffisant pour promouvoir des alternatives. Les crises économiques, sanitaires et écologiques montrent que le système n’est pas immuable et ouvrent des opportunités pour l’action. En combinant l’autonomie personnelle et la solidarité collective, des citoyens peuvent imaginer et construire des sociétés plus justes, écologiques et démocratiques.
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