Absurdités Organisationnelles — Partie 3

Introduction
Le terme « absurdité organisationnelle » désigne l’ensemble des pratiques internes d’une organisation qui apparaissent irrationnelles, contre-productives ou dénuées de sens. Il peut s’agir de procédures inutilement complexes, de règles kafkaïennes, de projets vains, ou de tâches dont même les exécutants ne voient pas l’utilité. Autrefois vanté par Max Weber comme un modèle d’efficacité rationnelle, le fonctionnement bureaucratique est aujourd’hui souvent synonyme de lourdeur, lenteur, inefficacité et absurdité – « l’art de complexifier ce qui est simple », comme l’écrit un observateur1. Ces dysfonctions managériales ne sont pas seulement source de frustration : elles peuvent engendrer une perte de sens au travail, du désengagement, voire de la souffrance psychologique. Face à ce constat, il est crucial d’en comprendre les principales formes, d’en analyser les causes systémiques et culturelles, d’examiner des exemples concrets et enfin d’envisager des pistes de solution pour y remédier.
Typologie des pratiques absurdes et contre-productives
Plusieurs catégories de pratiques absurdes reviennent fréquemment dans les organisations. En voici une typologie non exhaustive, illustrée d’exemples :
Surbureaucratie et excès de procédures
Un premier type d’absurdité réside dans la bureaucratisation excessive : multiplication des formulaires, des validations hiérarchiques et des règles rigides au point de paralyser l’efficacité. Dans ces organisations, « la règle, la procédure et la production d’écrits règnent en maîtres », si bien que l’on s’égare dans un labyrinthe de guichets, de signatures et de cases à cocher2 3. Le respect des procédures devient un objectif en soi (on parle de ritualisme bureaucratique), au détriment de la finalité initiale : les moyens finissent par éclipser les buts4 5. Une telle administration développe un « monstre procédural » où chaque nouvelle règle, ajoutée pour résoudre un dysfonctionnement, ne fait que renforcer la rigidité du système6 7. Personne n’ose prendre de responsabilité hors du carcan établi, de peur d’être blâmé ; ironiquement, « pour éviter l’arbitraire, on finit par créer un monstre procédural »8. On retrouve ce travers non seulement dans le secteur public, mais aussi dans de grandes entreprises privées ou même des associations lourdement administrées. Le résultat typique en est une lenteur extrême des processus, des décisions déconnectées du terrain (car prises par des instances trop éloignées du réel) et une démotivation du personnel réduit au rôle d’exécutant aveugle.
Exemple illustratif – La surenchère de règles de sécurité mène parfois à des situations ubuesques. Par exemple, un directeur HSE a déjà exigé le port du casque de protection… même pour marcher dans un champ de blé, arguant qu’« on peut à tout moment trébucher et se cogner »9. Ce zèle bureaucratique illustre l’écart entre l’intention de zéro risque et une application aveugle des procédures qui vire au ridicule10 9.
Microgestion et culture du contrôle
La microgestion (ou micro-management) est une autre pratique contre-productive courante : le manager surveille et contrôle chaque détail du travail de ses subordonnés, au lieu de leur faire confiance. Cette supervision tatillonne – souvent motivée par l’anxiété d’atteindre les objectifs ou un perfectionnisme mal placé – étrangle l’autonomie et la créativité des employés. De plus, c’est un gâchis de temps et d’énergie pour tous. Selon une étude Gallup, 45 % des employés interrogés affirment que le micromanagement nuit à leur productivité, et 68 % estiment qu’il a des effets dévastateurs sur leur moral11. Du côté des encadrants, une enquête Harvard Business Review a calculé que les managers perdaient en moyenne 9 heures par semaine à superviser d’un peu trop près le travail de leurs équipes12 – autant d’heures non consacrées à des tâches stratégiques. La microgestion témoigne d’un manque de confiance envers les équipes (sentiment partagé par 56 % des employés interrogés dans une enquête Deloitte13), ce qui peut instaurer un climat de suspicion et de démotivation. En fin de compte, cette pratique aboutit souvent à l’effet inverse de celui recherché : au lieu d’améliorer la performance, elle la dégrade, en démoralisant les troupes et en limitant l’efficacité aussi bien des employés (peu responsabilisés) que des managers eux-mêmes (absorbés par des détails insignifiants).
Réunions inutiles et réunionite aigüe
Beaucoup de salariés connaissent la « réunionite », ce penchant à multiplier les réunions sans intérêt. Lorsqu’elles sont mal préparées ou systématiques par habitude, les réunions deviennent un véritable fléau chronophage qui « sape l’énergie et le temps des employés, souvent sans résultats concrets »14. Divers sondages chiffrent le phénomène : par exemple, une étude Atlassian indique qu’un employé moyen assiste à 62 réunions par mois, dont il juge la moitié inutiles, soit l’équivalent de 31 heures perdues chaque mois en discussions stériles15. De même, seul 1 salarié sur 10 considère la plupart de ses réunions productives, tandis que 57 % les jugent « peu ou pas du tout productives »16. Les effets négatifs de cette inflation de meetings sont multiples : projets retardés, car le temps passé en salle de réunion n’est pas consacré aux tâches opérationnelles17 ; frustration et stress accrus, car les employés voient leur « to-do list » s’allonger pendant qu’ils assistent à des échanges improductifs17 ; coût financier enfin, car le temps cumulé de ces réunions non essentielles représente, à l’échelle d’une organisation, des milliers d’heures rémunérées pour peu de valeur ajoutée. On constate aussi un phénomène de démobilisation subtile : 89 % des salariés admettent profiter des réunions pour faire autre chose (consulter internet, répondre à des messages…)18, signe qu’ils n’en attendent pas grand-chose.
Pourquoi tant de réunions inutiles ? Parfois par excès de formalisme (calendriers imposant des réunions périodiques même sans besoin réel), par culture du consensus ou du bavardage (on réunit largement pour « ne laisser personne en dehors », quitte à diluer l’efficacité), ou simplement par absence d’ordre du jour clair. Quoi qu’il en soit, la réunionite illustre une absurdité organisationnelle répandue : la confusion entre communication et action. Sans cadrage, un meeting devient une fin en soi au lieu d’être un moyen, et sa prolifération finit par empêcher les salariés de travailler – un comble !
Indicateurs et KPI déconnectés de la réalité
Les KPI (Key Performance Indicators ou indicateurs-clés de performance) sont censés guider l’action vers les objectifs stratégiques. Mais ils deviennent une pratique absurde lorsqu’ils sont mal conçus ou détournés de leur finalité. On parle d’indicateurs déconnectés du terrain ou du sens du travail : par exemple, évaluer un enseignant sur le nombre d’élèves qui obtiennent la moyenne (plutôt que sur le progrès de chacun), ou un service client sur le nombre d’appels traités plutôt que sur la résolution effective des problèmes. Dans de tels cas, l’indicateur cesse d’indiquer quelque chose de pertinent et peut même encourager des comportements contraires à l’objectif réel (comme “faire du chiffre” au détriment de la qualité). Le sociologue Norbert Alter souligne que les KPI sont par nature limités : ils ne savent mesurer que ce qu’ils prescrivent à l’avance, masquant ainsi tout le reste19 20. En conséquence, des accomplissements importants peuvent être ignorés (puisqu’hors cadre des KPI), tandis que d’intenses efforts sont déployés pour améliorer des chiffres qui n’ont pas de sens concret. Lorsque les collaborateurs perçoivent que les tableaux de bord auxquels on les astreint sont absurdes – par exemple des objectifs purement quantitatifs sans lien avec la qualité ou la mission –, cela crée un sentiment de non-sens et peut démotiver gravement (« à quoi bon ? »). Un symptôme fréquent est la course au chiffre pour le chiffre : l’organisation s’acharne à cocher des cases et à atteindre des quotas arbitraires, tout en passant à côté de sa raison d’être profonde.
Reporting excessif et surcharge administrative
Dans le prolongement des KPI, le reporting est l’autre face de la médaille : produire régulièrement des rapports d’activité et autres comptes-rendus pour la hiérarchie. Un reporting raisonnable est utile pour piloter l’organisation, mais son excès tourne vite à l’absurde bureaucratique. De nombreuses entreprises en arrivent à sur-documenter chaque action : les managers passent un temps fou à remplir des slides, des tableurs, des comptes-rendus, parfois sans même savoir qui les lira. Un sondage rapporte ainsi que 9 % des responsables interrogés avouent ne pas vraiment savoir pour qui ni pourquoi ils font leurs reportings21. Plus des deux tiers des managers déclarent passer plus d’un tiers de leur temps à préparer ces rapports22, au détriment du management opérationnel. Le Journal du Net titrait que les reportings sont jugés « pertinents mais chronophages » : s’ils contiennent en général des indicateurs utiles, 62 % des répondants estiment que leur élaboration demande trop de travail, et seuls 19 % des managers se fient uniquement aux données objectives sans avoir parfois à les « estimer » eux-mêmes23 24. Autrement dit, une partie non négligeable des rapports produits reposent sur des chiffres approximatifs, faute de temps ou d’outil pour tout mesurer précisément, ce qui relativise encore leur valeur. Le comble : environ un rapport sur trois serait carrément faux, d’après ce même sondage21.
En somme, le reporting poussé à l’extrême aboutit à consacrer une large part de l’activité interne à justifier l’activité… interne. Certains cadres y consacrent plus de temps qu’à l’aide aux clients ou aux collaborateurs. Dans les cas les plus caricaturaux, il peut exister tout un échelon de « gestionnaires de rapports » dont la mission est de compiler et reformater les informations pour d’autres niveaux, sans création de valeur finale. Un tel système auto-référentiel a été décrit par David Graeber : « des gens qui vont à des réunions et écrivent des comptes-rendus pour d’autres gens qui vont à des réunions et écrivent des comptes-rendus », témoignait un salarié sur son emploi absurde25. Lorsque le suivi bureaucratique cannibalise l’action, l’organisation tourne à vide.
Processus inefficaces et complexité inutile
Beaucoup d’organisations accumulent, au fil du temps, des processus internes lourds ou redondants. Il peut s’agir de circuits de validation obsolètes (par ex. faire signer manuellement un document par cinq personnes successives), de démarches numériques mal pensées (saisir plusieurs fois les mêmes données dans différents systèmes qui ne communiquent pas), ou de segmentations extrêmes du travail (chaque employé n’ayant qu’un micro-rôle, ce qui oblige à de multiples transmissions). Souvent, personne n’a voulu spécifiquement ces inefficacités : elles résultent d’anciens processus jamais remis en question, de l’empilement de nouvelles étapes sans suppression des anciennes, ou d’un manque de coordination entre services (chacun optimisant son volet sans vision globale). On aboutit à ce que Thomas Simon appelle un véritable « mille-feuille » bureaucratique qui s’auto-entretient : on ajoute des couches hiérarchiques ou procédurales « pour combler le vide et justifier les postes », chaque échelon créant ses règles pour légitimer son existence26. Cette complexité rouille la mécanique au lieu de la fluidifier27 28.
Les conséquences pratiques sont une baisse de performance (les tâches prennent plus de temps et d’efforts qu’elles ne le devraient), une hausse des coûts (ressources gaspillées dans des activités sans valeur ajoutée), et surtout une irritation quotidienne pour les employés de terrain. Ces derniers perdent progressivement le sens de leur travail s’ils doivent naviguer dans un chaos procédural ou s’accommoder d’outils inadaptés. Le psychologue du travail Yves Clot parle de « travail empêché » : une souffrance particulière ressentie lorsque l’on voudrait bien faire son travail mais que l’organisation nous en empêche par ses inepties. L’ennui au travail peut aussi s’installer lorsqu’une foule de micro-tâches absurdes occupent la journée sans apporter de résultat concret. On frôle alors le syndrome du bore-out (épuisement par l’ennui) ou du brown-out (la perte de sens au travail) : ces pathologies modernes trouvent souvent leurs racines dans la stagnation bureaucratique et l’absurdité des processus29.
« Bullshit jobs » et tâches sans sens
Enfin, au sommet de l’absurde se trouvent les emplois entièrement dénués d’utilité perçue, qualifiés par David Graeber de « bullshit jobs » (littéralement « jobs à la c »). Il s’agit de postes entiers – souvent bien payés et en apparence respectables – dont ni la société, ni même ceux qui les occupent, ne sauraient justifier l’existence réelle. Graeber estimait, sondage à l’appui, qu’environ 37 % des travailleurs estiment que leur emploi pourrait disparaître sans aucune conséquence sur le monde30. Ces emplois se nichent souvent dans les strates administratives ou managériales des grandes organisations, publiques comme privées. Par exemple, des départements entiers chargés de produire des rapports internes redondants, de ponter des informations entre deux systèmes, ou de faire de la « communication interne » sur des projets sans substance.
La prolifération de ces rôles creux tient à divers facteurs : effet de structure (chaque nouveau programme crée sa myriade de coordinateurs et son administration, qui subsistent parfois au-delà du projet lui-même), pressures politiques ou d’image (créer un poste de « chargé de mission X » pour montrer qu’on agit sur tel sujet, même si la mission est floue), ou simplement dérive bureaucratique (on crée des postes de contrôle des contrôleurs, sans fin). Pour l’employé coincé dans un bullshit job, les journées passent à remplir des cases, organiser des comités, faire semblant d’être occupé ; il en résulte un profond désenchantement. Thomas Simon note que cette perte de but ultime clair touche notamment des cols blancs du tertiaire (audit, conseil, finance) qui ne voient pas le lien entre leurs tâches et le bien commun31. On observe alors des réactions comme la “démission silencieuse” (quiet quitting) : la personne accomplit le strict minimum, sans énergie ni conviction, juste pour le salaire29. À terme, l’absurdité ressentie peut mener à une usure mentale et à des états dépressifs32. Autrement dit, quand une organisation en arrive à créer du travail inutile, elle risque d’anéantir le moteur même de la performance : la motivation intrinsèque de ses membres.
Causes systémiques et culturelles
Plusieurs causes profondes expliquent l’apparition et la persistance de ces absurdités organisationnelles. Souvent, c’est le système lui-même (culture, structure, politique interne) qui engendre les comportements dysfonctionnels, plus que la bêtise ou la mauvaise volonté des individus pris isolément. Voici quelques causes majeures :
Manque de vision et finalité floue. Lorsqu’une organisation perd de vue sa mission essentielle, elle tend à se focaliser sur des objectifs secondaires ou des métriques internes. Un vide de vision stratégique en haut lieu peut conduire à piloter à courte vue, via des chiffres faciles à suivre (coûts, productivité immédiate) plutôt que via le véritable impact à long terme. Cette myopie se traduit par des indicateurs déconnectés, des projets contradictoires et un manque de sens global ressenti par les employés. Par exemple, dans certains établissements financiers avant 2008, on optimisait frénétiquement des indicateurs de profit à court terme en ignorant les risques systémiques à long terme – jusqu’à la catastrophe. Des décisions irrationnelles au sommet (dûes à des intérêts politiques, à l’effet de mode ou à l’ignorance du terrain) peuvent ainsi cascader vers le bas et créer de l’absurde en série33 27.
Culture du contrôle et méfiance. De nombreuses absurdités proviennent d’une culture managériale excessivement méfiante, où chaque niveau veut tout contrôler. La surbureaucratie prospère dans les climats où l’on ne fait pas confiance aux acteurs de terrain pour décider ou s’adapter. On multiplie alors les règles « juste au cas où », on exige des comptes-rendus détaillés de chaque action, on encadre la moindre initiative par des processus. Cette culture du soupçon stérilise l’intelligence collective et l’esprit d’innovation. Mikael Mourey, expert en sécurité au travail, constate ainsi que les structures de type « command and control » finissent toujours par échouer : elles infantilisent, démotivent et annihilent l’esprit critique34. À l’inverse, les organisations les plus agiles sont souvent celles qui osent déléguer la prise de décision le plus bas possible, misant sur la compétence et le bon sens des employés plutôt que sur la prolifération de règles.
Auto-préservation bureaucratique et politiques internes. Une fois qu’un système bureaucratique est en place, il développe sa propre inertie et un instinct de survie. La loi de Pournelle énoncée ironiquement par un essayiste américain décrit ce phénomène : « Dans toute bureaucratie, ceux qui s’occupent de la préservation de la bureaucratie elle-même finissent toujours par prendre le contrôle, au détriment de ceux qui poursuivent les objectifs réels de l’organisation »35. Autrement dit, les acteurs dont la raison d’être est d’administrer le système (et de justifier leur poste) prennent peu à peu le pas sur ceux qui exécutent réellement la mission concrète. Cette dynamique politique interne explique la résistance tenace de certaines absurdités : tel processus inutile perdure parce qu’il fournit du travail à un service entier qui défend son territoire, tel comité superfétatoire continue de siéger parce que ses membres en tirent du prestige, etc. On observe également des jeux de pouvoir où chaque département crée ses propres normes et indicateurs pour montrer son utilité, engendrant une complexité globale peu rationnelle. La bureaucratie peut ainsi devenir un système autoalimenté, tournant sur lui-même sans plus de justification externe : « à l’extrême, [elle] pourrait s’autoalimenter à coups de procédures, de rapports et de réunions sans qu’il y ait des usagers », la mission réelle devenant « secondaire, voire accessoire »36.
Peu de remise en question et inertie du changement. Les absurdités organisationnelles s’installent souvent parce que « c’est ainsi depuis toujours ». Il existe une inertie culturelle dans les grandes structures : une fois une règle inscrite ou un service créé, il est rare de les abolir, même si leur utilité a disparu. Tout changement fait peur, surtout s’il menace des rentes de situation ou bouscule des habitudes ancrées. Michel Crozier notait que la bureaucratie est un système incapable de se corriger lui-même : face à un problème, la solution apportée est presque toujours d’édicter de nouvelles règles, qui rajoutent une couche de complexité au lieu de traiter la cause profonde37 6. L’amélioration continue est souvent absente des cultures bureaucratiques, qui fonctionnent sur le respect du précédent. Par conséquent, les processus deviennent « datés », non remis en question, ce qui a pour conséquence de rouiller la machine27. L’organisation accumule les archaïsmes et perd en agilité.
Peurs et gestion défensive. Une autre cause est la peur du risque et de l’erreur. Par exemple, la surenchère de règles de sécurité ou de contrôles qualité absurdes s’explique souvent par la volonté obsessionnelle d’atteindre le « zéro défaut ». Des dirigeants, hantés par la perspective d’un incident ou d’un scandale, vont imposer des procédures tatillonnes pour se couvrir en cas de problème. Comme l’observe ironiquement Mourey, certains employeurs consacrent plus d’énergie à « limiter leur responsabilité en cas d’accident qu’à éviter ces accidents », cherchant avant tout à pouvoir dire qu’ils ont suivi la procédure, quoi qu’il arrive38. Cette gestion par la peur produit des effets pervers : on préfère empiler les contrôles plutôt que de faire confiance et encourager la prise d’initiative. De même, la crainte de l’arbitraire ou du favoritisme peut pousser à édicter des règles uniformes extrêmement complexes pour traiter tous les cas de figure, comme dans l’administration sociale où chaque aide est entourée de critères multiples pour “être juste”, au point que beaucoup de bénéficiaires potentiels s’y perdent et renoncent à réclamer leurs droits39 40. La peur de l’imprévu et du jugement pousse ainsi l’organisation à tout vouloir régir, quitte à sombrer dans l’absurde.
Pression du court terme et exigences externes. Dans le privé, la pression des résultats financiers trimestriels ou des actionnaires peut encourager des comportements managériaux absurdes : on coupe des budgets à l’aveugle (politique du chiffre), on lance des projets “visibles” pour faire bonne impression tout en négligeant le fonctionnement de base, etc. Dans le public ou l’associatif, ce sont parfois les exigences réglementaires ou des bailleurs de fonds qui induisent de la bureaucratie : par exemple, les ONG doivent souvent remplir des formulaires détaillés pour chaque subvention, rendant des comptes sur des indicateurs standardisés imposés par le financeur, ce qui peut détourner de l’action de terrain. Ainsi, des contraintes externes (lois, normes, audits) peuvent inciter à surformaliser en interne pour ne prendre aucun risque, aboutissant à de la bureaucratie défensive.
Il est à noter que ces causes interagissent et se renforcent mutuellement. Par exemple, un manque de vision stratégique favorise la culture du contrôle (on compense l’absence de cap clair par des procédures sur tout), la méfiance renforce l’auto-préservation bureaucratique (chacun défend son pré carré en multipliant les règles), etc. Le résultat final est ce cercle vicieux de la bureaucratie décrit par Crozier, où « ceux qui décident ne connaissent pas les problèmes, et ceux qui connaissent les problèmes n’ont pas de pouvoir de décision », d’où des décisions abstraites, déconnectées de la réalité du terrain41 42.
Exemples documentés dans différents contextes
On retrouve des absurdités organisationnelles dans tous les milieux professionnels – privé, public, associatif – avec à chaque fois des manifestations particulières et des effets néfastes similaires sur la performance, le sens du travail ou le bien-être.
Secteur privé (entreprises) : Les grandes entreprises sont parfois des cas d’école d’organisations absurdes. Par exemple, l’entreprise Nokia a souvent été citée en exemple pour avoir manqué le tournant du smartphone non par incapacité technique, mais à cause de sa lourde organisation interne. D’anciens cadres ont témoigné qu’avant l’iPhone, les ingénieurs de Nokia voyaient la menace venir, mais la culture interne préférait produire des PowerPoint rassurants plutôt que de remonter les mauvaises nouvelles à la direction43 44. Cette censure cognitive (ne pas contredire la ligne officielle) est encouragée par ce que Alvesson et Spicer nomment la « stupidité fonctionnelle » : les employés intelligents apprennent à ne pas réfléchir et à « ne pas poser de questions gênantes » face à leurs supérieurs45 46. Chez Nokia, cela a conduit à minimiser les problèmes jusqu’au désastre stratégique47. D’autres exemples dans le privé incluent ces transformations managériales à répétition : certaines firmes dépensent des millions dans des plans de “refonte” ou de réorganisation annoncés comme la panacée, et en cas d’échec, recommencent encore l’année suivante, changeant de sigle et de jargon sans traiter le fond du problème48. Ces pseudo-changements permettent à la haute hiérarchie de sauver la face (“on agit !”) et aux armées de consultants de prospérer, mais sur le terrain les salariés voient défiler des initiatives éphémères qui perturbent leur travail sans apporter d’amélioration durable. En termes de bien-être, le secteur privé n’est pas épargné par le désengagement : ainsi le phénomène du quiet quitting (ne plus faire que le minimum syndical) a largement été constaté en 2022-2023 dans les entreprises du monde entier, souvent interprété comme une réaction à la perte de sens et à l’absurdité ressentie après des années de pression et de méthodes managériales déconnectées29. À l’inverse, on voit se multiplier les cas de “grande démission” où des salariés quittent purement et simplement ces environnements jugés toxiques ou vides de sens, quitte à se reconvertir vers des métiers plus concrets.
Secteur public (administrations) : Les administrations publiques sont souvent associées à la bureaucratie tatillonne, et hélas de nombreux exemples concrets le confirment. Dans le domaine de la santé et sécurité sociale, on constate par exemple des taux élevés de non-recours à certaines prestations sociales : des personnes renoncent à demander l’aide pourtant prévue pour elles, découragées par l’opacité des formulaires, la longueur des procédures ou la complexité des justificatifs à fournir39 40. Côté agents publics, beaucoup expriment le sentiment de ne plus pouvoir faire correctement leur métier car ils sont entravés par la paperasse : médecins et travailleurs sociaux se plaignent de passer plus de temps sur des outils informatiques et des comptes-rendus normalisés que face aux usagers, perdant le sens du service public49. Un rapport officiel en France a dénoncé « la multiplication des dispositifs et la fragmentation des publics » dans l’action sociale, c’est-à-dire la création sans fin de sous-programmes avec leurs critères spécifiques, qui compliquent au lieu de simplifier8. Ainsi, par souci d’équité ou de contrôle des dépenses, on aboutit paradoxalement à exclure les plus fragiles par excès de complexité. Un autre exemple marquant est la gestion de la sécurité au travail dans certaines institutions : Mikael Mourey cite le cas de procédures de sécurité applicables de façon absurde (par ex. interdiction pour des pompiers de monter sur un escabeau au bureau par peur de la chute, alors qu’ils grimpent des échelles sur le terrain50). Il raconte aussi comment, durant la pandémie de Covid-19, certaines entreprises voulaient mettre en quarantaine tout employé revenant d’Afrique, par analogie maladroite avec la Chine, alors même qu’il n’y avait pas plus de cas en Afrique qu’en Europe51. Ces dérives kafkaïennes dans le public créent un gâchis de ressources (argent public dilapidé en contrôle bureaucratique, délais et surcoûts dans les projets) et un mal-être chez les fonctionnaires de bonne volonté. Beaucoup témoignent d’un épuisement professionnel non pas dû à la quantité de travail utile, mais à la surcharge de tâches administratives inutiles et au manque de reconnaissance quand leur action concrète est noyée sous le formalisme.
Secteur associatif et ONG : Les organisations à but non lucratif ne sont pas immunisées contre l’absurdité, surtout lorsqu’elles grandissent ou dépendent de financement externes. On voit ainsi des associations devenir quasi-bureaucratiques, avec des conseils d’administration pléthoriques, des process internes complexes pour la moindre décision, parfois hérités du mimétisme avec le public (beaucoup d’associations emploient d’anciens fonctionnaires qui reproduisent des pratiques administratives). Par ailleurs, les ONG internationales font face aux exigences des bailleurs de fonds (États, fondations, ONU, UE…) qui requièrent moult indicateurs d’évaluation, tableaux de suivi budgétaire, rapports narratifs standardisés, etc. Le personnel humanitaire se retrouve à consacrer des semaines à remplir des dossiers pour justifier l’utilisation des subventions, au détriment du temps passé sur le terrain. Certains programmes engagent même des « chargés de reporting » dédiés, ce qui est utile pour la conformité mais pose question : quand une ONG doit employer des gens uniquement pour gérer la complexité administrative de l’aide, n’y a-t-il pas là une absurdité morale (des fonds humanitaires captés par la paperasse plutôt que par les bénéficiaires) ? Un exemple révélateur a été pointé dans le fonctionnement de l’ONU : la Commission des droits de l’homme avait été présidée en 2003 par la Libye de Kadhafi – « le summum de l’absurdité », selon certains observateurs, de voir un régime oppresseur à la tête d’un organisme censé défendre les libertés52. Cette anecdote illustre comment, par jeux politiques et règles de représentativité, on peut arriver à des incohérences totales dans le milieu associatif et international également.
Dans tous ces contextes, on constate des effets néfastes convergents : perte d’efficience (du temps et de l’argent dilapidés), perte de sens (travail ressenti comme vain ou absurde), baisse de motivation et d’engagement, et parfois atteinte directe au bien-être psychologique (burn-out, bore-out, etc.). L’usure mentale causée par l’absurdité organisationnelle est réelle : « une partie de notre identité s’érode » quand on ne voit plus le sens de ce que l’on fait, rappelle Thomas Simon53.
Références théoriques et travaux sur ces phénomènes
Les sciences sociales et le management se sont largement penchés sur ces dysfonctionnements du travail. Quelques références notables :
Robert K. Merton (1940) – Ce sociologue américain fut l’un des premiers à analyser les dysfonctions bureaucratiques. Il a décrit le phénomène de déplacement des objectifs (goal displacement) : les organisations bureaucratiques ont tendance à faire du respect scrupuleux des règles un but en soi, au point d’oublier leur mission initiale4 5. Il parle aussi de comportement ritualiste pour décrire ces employés qui appliquent la procédure à la lettre sans plus chercher le pourquoi – situation typique de l’absurde.
Michel Crozier (1963, 1977) – Sociologue français, auteur du Phénomène bureaucratique, Crozier a étudié les cercles vicieux des organisations françaises. Sa conclusion célèbre : un système bureaucratique est « incapable de se corriger en fonction de ses erreurs ». Toute tentative de correction par de nouvelles règles ne fait souvent que renforcer la bureaucratie et approfondir les problèmes de rigidité6 7. Dans L’acteur et le système, avec Erhard Friedberg, il développe l’idée que le changement ne peut venir que d’un apprentissage collectif et non d’un décret d’en haut – car les règles du jeu en place inhibent toute innovation structurelle54 55. Crozier est aussi connu pour avoir mis en évidence la logique du pouvoir d’information dans les organisations : ceux qui maîtrisent une incertitude (par exemple, un technicien sachant réparer une machine) acquièrent un pouvoir informel. Mais la bureaucratie, en rigidifiant les rôles, empêche souvent d’utiliser ces savoirs de terrain, d’où inefficacité.
Hannah Arendt (1950s) – La philosophe a décrit la bureaucratie comme le règne de l’anonymat irresponsable : un système où « personne ne peut être tenu pour responsable », chacun se retranchant derrière les règles et ses attributions limitées56 57. Elle y voit une « conspiration involontaire » où tout le monde devient complice d’actions absurdes que personne n’approuverait individuellement57. Cette idée aide à comprendre comment des projets insensés survivent faute de contrôle ou d’opposition interne claire.
Christian Morel (2002) – Dans Les décisions absurdes, l’auteur analyse des cas de décisions collectives aberrantes et persistantes (aviation, industrie, etc.). Il montre que des groupes d’individus rationnels peuvent ensemble prendre des décisions radicalement stupides, à cause de mécanismes organisationnels (mauvaise communication, dilution de responsabilité, règles inadaptées, etc.). Morel classe différentes catégories d’erreurs et propose aussi des méthodes pour les éviter (culture de la fiabilité, apprentissage de l’erreur, etc.). Son travail éclaire comment des catastrophes peuvent survenir quand le fonctionnement normal d’une organisation décourage la remontée d’alertes ou la remise en cause de choix absurdes.
David Graeber (2018) – Anthropologue ayant théorisé les « Bullshit Jobs », Graeber s’est attaqué à l’inflation des emplois inutiles dans nos économies modernes. Outre le constat statistique (jusqu’à 40 % de travailleurs jugeant leur job dénué d’utilité30), il explore les raisonnements moraux et historiques qui font accepter cette absurdité. Selon lui, l’essor de ces bullshit jobs provient en partie de la bureaucratisation du secteur privé (« bureaucratie totale » liée au néolibéralisme, fusion du public et du privé dans un océan de paperwork)58 59. Graeber souligne aussi le rôle des idéologies du travail : même s’il est absurde de payer des gens à ne rien faire d’utile, la société continue de valoriser le fait d’« avoir un travail » quel qu’il soit, au point de créer artificiellement du travail inutile pour occuper tout le monde. Son œuvre a popularisé les termes brown-out et bullshit job, incitant à repenser la valeur sociale du travail et l’organisation du temps de travail.
Mats Alvesson & André Spicer (2016) – Ces chercheurs en management ont introduit le concept de stupidité fonctionnelle (« functional stupidity ») dans les entreprises. Dans Le paradoxe de la stupidité, ils expliquent « pourquoi d’innombrables entreprises acceptent ce qui est douteux, absurde et franchement idiot » dans leurs modes de management60. Ils observent que des employés intelligents sont souvent incités à ne pas réfléchir par leur environnement de travail : poser des questions dérangeantes ou faire preuve d’esprit critique nuit à leur avancement, tandis que la conformité béate est récompensée45 46. À court terme, cette stupidité organisée peut avoir des avantages (cohésion, moins de frictions), mais à long terme elle mène aux désastres stratégiques ou éthiques. Alvesson et Spicer documentent de nombreux exemples (le culte du leadership creux, la mode des formations managériales new-age, la priorité au paraître sur le contenu, etc.)43 61, et plaident pour réhabiliter la pensée critique à tous les niveaux de l’entreprise. Leur thèse souligne la dimension culturelle du problème : ce n’est pas tant un manque de savoir ou de compétence technique, mais un conformisme intellectuel entretenu par l’organisation, qu’il faut combattre.
Julia de Funès & Nicolas Bouzou (2018) – Dans La comédie (in)humaine, la philosophe et l’économiste français dénoncent les ridicules du management moderne en entreprise. Ils fustigent la novlangue managériale, les modes superficielles (team building forcés, gadgets de bien-être au travail qui masquent mal la souffrance réelle), et invitent à « dire stop aux pratiques absurdes, aux process vides de sens et au coaching infantilisant ». Leur propos, plus pamphlétaire, rejoint toutefois les analyses académiques sur un point : une accumulation de recettes managériales pseudo-scientifiques a conduit à déshumaniser le travail et à créer beaucoup de bruit organisationnel pour peu de résultats concrets. De Funès plaide pour le bon sens et la simplicité, citant par exemple l’ineptie de vouloir absolument tout quantifier (elle parle du « bullshit du bien-être au travail » lorsque celui-ci est mesuré en KPI et feed-back obligatoires plutôt que vécu sincèrement). Ces auteurs contribuent à diffuser dans le grand public la prise de conscience des aberrations managériales.
Cette liste n’est pas exhaustive – on pourrait également citer Vincent de Gaulejac (La société malade de la gestion, 2005) sur les ravages psychiques de l’obsession gestionnaire, Isaac Getz (et le mouvement des entreprises libérées) prônant la fin de la bureaucratie hiérarchique, etc. Néanmoins, elle illustre la richesse des réflexions sur ce thème : sociologues, philosophes, économistes, praticiens du management convergent souvent pour analyser ces absurdités et proposer d’y remédier.
Pistes de solution et prévention
Face à l’absurdité organisationnelle, que faire ? Il n’y a pas de remède miracle, mais un ensemble de bonnes pratiques et de principes peuvent prévenir ou corriger bien des dérives. L’objectif global est de réorienter la culture et le fonctionnement vers le sens, la simplicité et la confiance. Voici quelques pistes de solution :
Recentrer sur la finalité et le sens du travail : Chaque règle ou processus devrait être régulièrement interrogé : À quoi sert-il ? Contribue-t-il réellement à notre mission ? Si la réponse n’est pas claire, il faut oser simplifier ou supprimer. Certaines entreprises engagent des démarches de “dégraissage” bureaucratique (processus de simplification administrative) en questionnant chaque procédure. Par exemple, le groupe Laing O’Rourke en Australie a drastiquement simplifié son manuel de sécurité (réduit à 6 pages essentielles) et a vu le taux d’accidents chuter d’un facteur 10 en cinq ans62. « Une bonne procédure est concise », note Mourey, et il recommande de se demander pour chaque formulaire ou check-list : « Est-ce que cela permet d’éviter un problème réel ? Si non, pourquoi le conserver ? »63. De manière générale, développer une culture du résultat concret plutôt que de la norme est salutaire : cesser de sacraliser les moyens (procédures, remplissage de cases) et valoriser les résultats tangibles (satisfaction des usagers, qualité du produit, impact réel). Cela implique aussi de redonner aux employés une compréhension du pourquoi de leur travail, par une communication claire de la vision et des objectifs finaux. Un management par le sens se préoccupe de l’utilité de chaque action, et non de suivre le plan à la lettre si celui-ci s’avère inopérant en pratique.
Simplifier les processus et réduire la bureaucratie : Concrètement, il s’agit d’élaguer les étapes inutiles. Des approches comme le Lean management (né dans l’industrie automobile) proposent d’identifier et éliminer systématiquement les gaspillages (muda en japonais) : doublons, attentes, sur-contrôles, surproduction de documentation, etc. Sans tomber dans une nouvelle idéologie, cet état d’esprit peut aider à rationaliser. De même, la transformation numérique bien conduite peut automatiser les tâches répétitives et libérer du temps, à condition qu’elle soit pensée pour l’utilisateur (sinon on se retrouve avec des logiciels alourdissant encore la charge administrative). Alléger les structures excessivement pyramidales peut aussi être bénéfique : réduire les échelons hiérarchiques et les comités redondants pour accélérer la prise de décision. Comme le souligne Thomas Simon, les grands groupes devraient éviter d’empiler les strates « dans tous les sens » et retrouver de l’agilité, faute de quoi même quand un audit identifie des améliorations, « le changement en profondeur est remis à plus tard par manque de flexibilité de la machine bureaucratique »64. En somme, viser la simplicité organisationnelle (structure plate, processus clairs et épurés) est un remède contre bien des absurdités.
Clarifier les rôles et délégations : Beaucoup de complications naissent de chevauchements de responsabilités ou d’un flou décisionnel. Adopter des cadres de décision clairs (par exemple la matrice RACI : Responsible, Accountable, Consulted, Informed pour chaque processus) peut éviter d’avoir 10 personnes impliquées là où 2 suffiraient. Il est important de décentraliser les décisions au plus près de l’information pertinente : « celui qui fait est celui qui sait », rappelle Mourey, qui invite à laisser les travailleurs de terrain écrire les procédures, plutôt que l’inverse65. Autrement dit, faire confiance à l’expertise de base pour définir le comment en respectant le quoi à atteindre. En clarifiant qui décide de quoi, on peut réduire les validations multiples et rendre chacun responsable sur son périmètre – donc redevable en cas d’échec, mais libre d’agir en professionnel compétent. Cela s’oppose à la dilution bureaucratique où tout le monde et personne à la fois est responsable.
Instaurer une culture de confiance et d’autonomie : C’est sans doute la clé de voûte. Les organisations les plus performantes aujourd’hui sont celles qui font le pari de l’autonomisation des employés. Concrètement, cela signifie former et encourager les managers à lâcher prise sur le contrôle excessif, à pratiquer le leadership plutôt que la coercition. Des études montrent que la microgestion figure parmi les top 3 raisons de démission des employés66. À l’inverse, un manager qui sait déléguer et valoriser le travail bien fait obtient bien plus d’engagement : les programmes de formation au management positif (communication, délégation, coaching) se traduisent en moyenne par +25 % de productivité dans les équipes pilotées67 68. Il est donc impératif de former les encadrants à faire confiance, à favoriser l’initiative et le droit à l’erreur. Une culture de confiance implique aussi d’abolir le culte du présentéisme (évaluer à l’impact plutôt qu’au nombre d’heures), de donner de la flexibilité sur le comment atteindre les objectifs, et de reconnaître le droit d’expérimenter (et parfois d’échouer) sans blâme injuste. Comme en Suède où, pour la sécurité routière, on a décidé de mettre l’accent sur l’aménagement du système plutôt que de blâmer systématiquement l’usager69, une entreprise gagnante est celle qui cherche à améliorer l’environnement de travail pour éviter l’erreur, plutôt que punir chaque écart aux procédures. La confiance et l’autonomie, loin d’être du laxisme, libèrent au contraire la créativité et la responsabilisation des salariés, et coupent court à la prolifération bureaucratique (moins de contrôle = moins de paperasse).
Encourager l’esprit critique et le feedback : Pour éviter la stupidité fonctionnelle où les employés n’osent plus réfléchir, il faut valoriser le droit de questionner. Les dirigeants devraient encourager les remontées du terrain, les alertes et les idées d’amélioration, sans les censurer. Cela peut passer par des dispositifs concrets : boîtes à idées, enquêtes anonymes de climat interne, réunions de débat ouvertes, etc. Mais surtout, il faut un état d’esprit où “poser les bonnes questions” est vu positivement, même si cela dérange l’ordre établi. André Spicer suggère de développer une « culture de la remise en question » pour rendre le lieu de travail « un peu moins stupide », par opposition à la conformité irréfléchie70 71. Certaines entreprises mettent en place des “post-mortems” ou “cercles de qualité” où l’on analyse ensemble ce qui ne va pas, sans chercher de coupable, mais pour corriger le système. Cette ouverture au dialogue permet de détecter plus tôt les aberrations et d’y remédier avant qu’elles ne s’enkystent. En clair, il s’agit de redonner voix à la raison collective : bien souvent, les employés de base savent ce qui cloche dans l’organisation, mais n’ont pas l’occasion ou l’autorisation de le formuler.
Réduire la surcharge de réunions et de reporting : Sur le plan pratique, adopter des règles simples peut avoir un impact. Par exemple, de plus en plus d’entreprises instaurent des “journées sans réunion” (no-meeting days) pour garantir des plages de travail concentré. Limiter la durée des réunions (ex. pas plus de 30 minutes sauf exception) et le nombre de participants (5-6 maxi pour une décision opérationnelle) force à être plus efficace. Les employés eux-mêmes suggèrent à 56 % de réduire le nombre de réunions, 50 % d’en limiter la durée, et 32 % de toujours définir un ordre du jour clair72. Côté reporting, la solution passe par l’automatisation intelligente (outils de tableaux de bord en temps réel pour éviter les recopies manuelles) et par la rationalisation des indicateurs suivis : se concentrer sur quelques KPI bien choisis et abandonner les métriques accessoires. Il convient aussi de challenger l’utilité de chaque rapport périodique : si 1 manager sur 10 ne sait pas à quoi sert un reporting qu’il produit21, il est temps de soit lui en expliciter l’objectif, soit de le supprimer ! Certaines organisations ont même tenté le « Zéro email interne » ou le « Zéro rapport inutile » en incitant fortement à utiliser des outils collaboratifs ou à communiquer de vive voix plutôt que de formaliser à outrance. Sans aller dans ces extrêmes, un principe de bon sens est : ne demander un reporting que si l’on compte s’en servir pour une décision. Cette rigueur évite d’ajouter des couches de suivi “pour le sport”.
Valoriser l’humain sur les procédures : Une prévention de fond consiste à développer une culture d’entreprise humaniste, où l’on rappelle que les procédures sont au service des humains et non l’inverse. Cela peut passer par la formation éthique des managers, par l’intégration dans les valeurs officielles de notions comme la bienveillance ou la simplicité, mais surtout par l’exemplarité du sommet. Si le dirigeant lui-même combat la langue de bois, coupe court aux projets absurdes et allège les structures (plutôt que de se complaire dans l’apparat bureaucratique), le message percole. Certaines organisations ont nommé des “Chief Simplicity Officers” ou lancé des programmes internes de simplification, avec un soutien affiché de la direction générale. Ce genre d’initiative, si elle n’est pas qu’un coup de com’, peut mobiliser les énergies pour traquer les irritants inutiles et redonner du souffle. Il s’agit en quelque sorte de restaurer une forme de bon sens collectif : par exemple, ne pas surcharger un salarié déjà débordé de tâches périphériques (reporting, réunions) si cela l’empêche de faire son vrai boulot correctement. Ou encore arrêter les outils de teambuilding gadgets (chief happiness officer et consorts) qui ne sont que « des pansements sur une jambe de bois »53 et s’attaquer plutôt aux causes structurelles du mal-être. En remettant l’humain, la mission et le bon sens au centre des décisions, on crée un terrain moins fertile pour les absurdités.
En résumé, combattre les absurdités organisationnelles requiert du courage managérial et une vision claire. Courage de questionner l’existant, de bousculer éventuellement des intérêts acquis, de faire confiance aux collaborateurs. Vision claire pour définir ce qui compte vraiment (la raison d’être de l’organisation) et aligner pratiques et objectifs sur cette boussole. Ce n’est qu’à ce prix qu’on peut espérer inverser la vapeur : comme le dit Norbert Alter, plutôt que de se demander constamment « comment mobiliser les salariés ? » (sous-entendu, qui seraient apathiques), les dirigeants devraient se demander « comment ne pas démobiliser la motivation spontanée et intelligente dont font preuve les salariés ? »73 74. Autrement dit, comment tirer parti de l’engagement naturel et du sens du travail bien fait présents chez la plupart des professionnels, au lieu de les étouffer sous des couches de gestion stérile. De nombreuses expériences montrent qu’en allégeant le carcan organisationnel et en faisant confiance, on obtient non seulement un meilleur climat de travail, mais aussi de bien meilleurs résultats sur la durée (innovation, qualité, satisfaction client).
Comment échapper à la bureaucratie ? | Didier Dubasque
https://dubasque.org/comment-echapper-a-la-bureaucratie/ ↩︎Comment échapper à la bureaucratie ? | Didier Dubasque
https://dubasque.org/comment-echapper-a-la-bureaucratie/ ↩︎Comment échapper à la bureaucratie ? | Didier Dubasque
https://dubasque.org/comment-echapper-a-la-bureaucratie/ ↩︎Critique sociologique du modèle bureaucratique : Crozier et Friedberg
https://baripedia.org/wiki/Critique_sociologique_du_mod%C3%A8le_bureaucratique_:_Crozier_et_Friedberg ↩︎ ↩︎Critique sociologique du modèle bureaucratique : Crozier et Friedberg
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https://dubasque.org/comment-echapper-a-la-bureaucratie/ ↩︎ ↩︎Risques au travail: des règles parfois absurdes | Tribune de Genève
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https://www.tdg.ch/risques-au-travail-des-regles-parfois-absurdes-948461175003 ↩︎Le micromanagement des employés : Un coup dur pour la productivité et la confiance en entreprise | Adity
https://www.adity.fr/post/le-micromanagement-des-employ%C3%A9s-un-coup-dur-pour-la-productivit%C3%A9-et-la-confiance-en-entreprise ↩︎Le micromanagement des employés : Un coup dur pour la productivité et la confiance en entreprise | Adity
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https://www.trouvetonsaas.com/articles-blogue/l-exces-de-reunions-un-phenomene-frustrant-et-contre-productif ↩︎L’excès de réunions : un phénomène frustrant et contre-productif | TrouveTonSaaS
https://www.trouvetonsaas.com/articles-blogue/l-exces-de-reunions-un-phenomene-frustrant-et-contre-productif ↩︎Pourquoi près de 90% des salariés perdent leur temps en réunion ? | Culture RH
https://culture-rh.com/perte-temps-reunion-productivite/ ↩︎Pourquoi près de 90% des salariés perdent leur temps en réunion ? | Culture RH
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https://culture-rh.com/perte-temps-reunion-productivite/ ↩︎Entretien avec Norbert Alter : les aberrations du management | Nonfiction.fr
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https://www.nonfiction.fr/article-12197-entretien-avec-norbert-alter-les-aberrations-du-management.htm ↩︎Reporting, Comment le faire ? la méthode, le principe, les outils et les limites | Piloter.org
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https://www.piloter.org/business-intelligence/reporting.htm ↩︎David Graeber : « Le néolibéralisme nous a fait entrer dans l’ère de la bureaucratie totale » | Basta!
https://basta.media/david-graeber-le-neoliberalisme-nous-a-fait-entrer-dans-l-ere-de-la ↩︎« L’absurdité organisationnelle peut entraîner usure mentale et état dépressif » | Santé & travail
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https://www.sante-et-travail.fr/labsurdite-organisationnelle-peut-entrainer-usure-mentale-et-etat-depressif ↩︎Risques au travail: des règles parfois absurdes | Tribune de Genève
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https://shs.cairn.info/revue-le-debat-2004-1-page-57?lang=fr ↩︎« L’absurdité organisationnelle peut entraîner usure mentale et état dépressif » | Santé & travail
https://www.sante-et-travail.fr/labsurdite-organisationnelle-peut-entrainer-usure-mentale-et-etat-depressif ↩︎ ↩︎Bureaucratie — Wikipédia
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https://www.tdg.ch/risques-au-travail-des-regles-parfois-absurdes-948461175003 ↩︎La microgestion : un frein à votre travail ? | Asana
https://asana.com/fr/resources/micromanagement ↩︎Le micromanagement des employés : Un coup dur pour la productivité et la confiance en entreprise | Adity
https://www.adity.fr/post/le-micromanagement-des-employ%C3%A9s-un-coup-dur-pour-la-productivit%C3%A9-et-la-confiance-en-entreprise ↩︎Le micromanagement des employés : Un coup dur pour la productivité et la confiance en entreprise | Adity
https://www.adity.fr/post/le-micromanagement-des-employ%C3%A9s-un-coup-dur-pour-la-productivit%C3%A9-et-la-confiance-en-entreprise ↩︎Risques au travail: des règles parfois absurdes | Tribune de Genève
https://www.tdg.ch/risques-au-travail-des-regles-parfois-absurdes-948461175003 ↩︎Le Paradoxe de la stupidité en entreprise | myRHline
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https://myrhline.com/type-article/talents/le-paradoxe-de-la-stupidite-en-entreprise/ ↩︎Pourquoi près de 90% des salariés perdent leur temps en réunion ? | Culture RH
https://culture-rh.com/perte-temps-reunion-productivite/ ↩︎Entretien avec Norbert Alter : les aberrations du management | Nonfiction.fr
https://www.nonfiction.fr/article-12197-entretien-avec-norbert-alter-les-aberrations-du-management.htm ↩︎Entretien avec Norbert Alter : les aberrations du management | Nonfiction.fr
https://www.nonfiction.fr/article-12197-entretien-avec-norbert-alter-les-aberrations-du-management.htm ↩︎